Un double album rend hommage à Eddie Barclay à l’occasion du 70e anniversaire de la création de la maison de disques portant son nom. Le générique est prestigieux avec Ferré, Brel, Ferrat, Lavilliers, Mitchell, Delpech et beaucoup d’autres dont les Toulousains Nougaro et Juliette.
D’Eddie Barclay (1921-2005), on se souvient surtout du séducteur arborant fine moustache, toujours aux bras de femmes bien plus jeunes que lui (il se maria 8 fois !) L’image du fêtard tropézien est évidemment réductrice. Ce personnage hors du commun, né Edouard Ruault dans une famille de cafetiers parisiens, fut avant tout un fou de musique, d’abord pianiste de jazz et chef d’orchestre avant de devenir un producteur au « pif » absolu, conduisant Eddie Constantine, les Platters, Dalida puis beaucoup d’autres vers le triomphe. En 1954, Eddie Barclay crée à la fois « Jazz Magazine » et sa propre maison de disques après des années passées au service des autres. Sa « bande » se compose de Quincy Jones, Boris Vian et Daniel Filipacchi. Il sait aussi s’entourer des meilleurs directeurs artistiques comme Paul Mauriat (Aznavour et Ferré dans les années 60…), Michel Legrand (qui a révélé Nougaro au grand public en 1962), François Rauber (Brel dans les années 60 et 70) ou Richard Marsan (qui va accompagner Lavilliers sur plusieurs albums à partir des « Barbares » en 1976). La complicité de Lucien Morisse (Europe 1) et Bruno Coquatrix (L’Olympia) participent à une force de frappe unique en son genre.
« Barclay m’a apporté artistiquement ce qu’aucune autre maison ne pouvait m’apporter à l’époque, expliquait Charles Aznavour en 1985. C’était une firme française, dirigée par son propre patron. Et puis, il donnait les meilleurs arrangeurs, faisait réaliser les meilleures pochettes, assurait la meilleure qualité d’enregistrement et la meilleure promotion. »
Aujourd’hui propriété d’Universal Music, Barclay a su résister au temps qui passe, comme en témoigne la compilation coïncidant avec les 70 ans de la marque. Consacré à la chanson française « Play Barclay vol.1 » (sous-titré « C’est extra ») réunit 23 artistes et autant de chansons sorties entre 1963 et 2024. La plus ancienne, « Nous dormirons ensemble », est une merveille signée Jean Ferrat (sur un texte d’Aragon) ; l’une des plus récentes, « Dans tes yeux », est extraite du dernier album de Thomas Dutronc. Au fil de l’écoute des deux vinyles blancs (hommage aux costards de ce diable d’Eddie ?) on retrouve avec bonheur des classiques inaltérables comme « Parce que », d’Aznavour (1964), « C’est extra », de Ferré (1969), « La rue Madureira », de Ferrer (1969), « Fio Maravilha », de Nicoletta (1973), « Quand j’étais chanteur », de Delpech (1975), « Sur la route de Memphis », de Mitchell (1976), « Les Marquises », de Brel (1977), « O Gringo », de Lavilliers (1980), « La nuit je mens », de Bashung (1998), etc. Deux Toulousains figurent au programme : Nougaro, bien sûr, avec « Tu verras » (1978), extrait de l’album du même nom, et Juliette avec « La perruque » (2023), issue de son dernier disque, « Chansons de là où l’œil se pose ». Et l’on imagine que Zebda fera partie de la suite, « Play Barclay » bénéficiant d’un « Vol.2 » au printemps 2025 consacré à la pop puis d’un « Vol.3 » l’été prochain faisant la part belle au rock, au rap et aux musiques du monde.
Double vinyle « Play Barclay vol.1. / C’est extra » (Barclay/Universal).