Edouard Louis publie L’effondrement aux éditions du Seuil. Un portrait pudique et écorché sur la relation fraternelle.
Edouard Louis © Jean-François Robert Modos
Après la mère, le père, je demande le frère. Mission accomplie pour Edouard Louis qui se penche sur le destin éphémère et tragique de son frère ainé. Un frère qu’il ne voyait plus depuis une dizaine d’années. Trop d’incompréhensions, de silences et de violences pour espérer un lien solide et fusionnel. Jusqu’au jour où Edouard reçoit un appel, son frère est mort. Retrouvé dans son appartement, abîmé par l’alcool et les désillusions de la vie. Tout s’enchaîne, d’abord rejoindre le clan familial, rassurer la mère, participer de loin à la préparation des funérailles. Et partir le jour J. Une page définitivement tournée ? Certainement pas car, à partir de là, tout revient en mémoire.
Une vie sans espoir
Par bribes, souvenirs ou anecdotes, tout remonte à la surface. Le frère aux grands rêves, celui de devenir le meilleur boucher du monde, de construire des cathédrales, de devenir un investisseur immobilier fortuné. Autant d’espoirs qui sont aussitôt brisés par le fatalisme et l’impossibilité de s’éloigner du carcan social. Le beau-père est le premier à ne pas croire à la réussite de celui qu’il élève comme son propre fils. Sarcasmes, moqueries et empêchements brisent une à une toutes les tentatives pour réussir sa vie.
Dans ce cas, ne restent que l’échec et la colère qui va avec. Le frère déserte de plus en plus le foyer. Il sombre dans l’alcoolisme et la violence. Toxique pour lui-même et pour les autres, le frère se replie dans sa solitude et toujours plus d’alcool. Edouard voit son frère de temps en temps. Il est d’ailleurs plutôt protecteur mais, dès qu’il se met à boire, Edouard ne le reconnaît plus. Pire, il le déteste et finit par le fuir. Le lien sera totalement rompu lorsque le petit frère devient écrivain, parle de sa famille, du déterminisme social et de son homosexualité. L’ainé promet de lui casser la gueule, le petite frère promet de ne plus jamais lui adresser la parole.
Édouard Louis explore à nouveau les fractures sociales et familiales. Dans un style franc, incisif et tendre à la fois, il ne cesse de s’interroger sur les mauvaises conditions de vie, les inégalités et la violence. Il porte une voix forte pour dénoncer les conditions de vie qui broient physiquement et mentalement certains êtres humains. Car l’histoire de son frère est une tragédie humaine qui raconte une tragédie plus collective. Il est, en ce sens, un témoin de notre époque contemporaine afin que nous puissions continuer à interroger le monde.
Edouard Louis, L’effondrement, Seuil.
