La Peinture et la Danse ont, de tout temps été liées, des fresques égyptiennes aux danses peintes sur les vases grecs, des rondes du Moyen Âge illustrant Le Roman de la Rose ou les livres d’heures, des délicieux tableau de Watteau aux danseuses de Degas. Au XXème siècle, l’arrivée des Ballets Russes de Serge de Diaghilev va mêler encore plus intimement danse et peinture avec la réalisation de décors et de rideau de scène executés par des artistes peintres. Parmi eux, Pablo Picasso. Dès 1917 il travaille sur plusieurs ballets (Parade, Pulcinella, Le Train Bleu…) réalisant décors et costumes.
Pour Toiles Etoiles ce sont trois chorégraphes espagnols qui ont choisi d’illustrer l’œuvre du peintre, en s’inspirant de trois rideaux de scène.
Sébastien Ramirez et Honji Wang, deux chorégraphes issus du hip-hop et de la danse urbaine et évoluant vers une danse contemporaine affirmée, avaient choisi « l’Après-midi d’un faune », toile peinte d’après un dessin de Picasso, pour la reprise à l’Opéra de Paris, en 1965, par Serge Lifar de ce ballet et d’Icare, représentant un faune poursuivant une nymphe. Ce rideau fut exécuté et finalement présenté au Théâtre du Capitole à Toulouse, où il ne fit pas l’unanimité du public, loin s’en faut. Chorégraphes et directeurs artistiques de la Compagnie Wang Ramirez, ils ont relevé le défi de donner leur version de cette pièce mythique et scandaleuse créée et dansée par Nijinski en 1912 : « En tant qu’artistes, c’est une excellente occasion de tenter de réinterpréter le Faune, une opportunité d’apprendre, d’oser. Recréer ce ballet permet de lui donner une nouvelle vie, une autre énergie. C’est un encouragement au renouveau qui anime justement notre perspective d’interprétation, aujourd’hui. »
Cayetano Soto, quant à lui, a choisi parmi les rideaux de scène proposés celui du Train Bleu créé pour un ballet de Bronislava Nijinska sur une musique de Darius Milhaud, qui porte comme titre « La Course, deux femmes courant sur la plage de Dinard » et qui est la reproduction d’une gouache de Picasso. « Le magnifique rideau de Picasso me donne la force et la liberté de m’exprimer, d’être courageux et de ne pas regarder en arrière, afin de créer une merveilleuse symbiose entre passé et présent ». Il nous en donne ainsi sa propre vision en ne reprenant ni le sujet du ballet original, ni la musique de Milhaud à laquelle il substitue celle de Haendel.
Enfin, Antonio Najarro, chorégraphe et danseurs exceptionnel de tout ce qui fait la richesse de la danse espagnole de la escuela bolera au flamenco et de la danza estilizada au folklore espagnol, avait bien évidemment choisi le rideau de scène Cuadro Flamenco, qu’il a rebaptisé Tablao. Avec cette pièce, Antonio Najarro souhaite « immerger le spectateur dans un véritable tablao où les danseurs exprimeront la force et l’énergie caractéristiques du monde flamenco. » La musique, composée par le grand guitariste flamenco José Luis Montón, sera interprétée en direct par lui-même à la guitare, Thomas Potiron au violon, Odei Lizaso aux percussions et María Mezcle au chant. Rappelons par ailleurs que, pour Tablao, les artistes du Ballet du Capitole ont relevé le défi d’apprendre les techniques très spécifiques de la danse flamenca.
Trois univers de danse pour illustrer trois rideaux de scène du génie espagnol, par trois chorégraphes espagnols, voilà l’alléchant programme que nous propose le Ballet National du Capitole pour cette fin de saison.
Annie Rodriguez
une chronique de ClassicToulouse