Morgane Courtois rend hommage au riche patrimoine architectural toulousain au fil des siècles. Rencontre avec une amoureuse de ces lointains vestiges de l’or bleu (pastel) ou de l’art déco…
Dessine-moi une bastide est une aventure récente. Quel a été le déclic pour vous lancer ?
Depuis toujours, l’architecture, les beaux-arts et l’histoire, embellissent mon quotidien. Trente ans de vie à Toulouse et sa région m’ont appris à aimer la diversité de son patrimoine bâti. Au cours de visites, j’échangeais souvent avec les propriétaires ou les gestionnaires sur des initiatives possibles de mise en valeur. Les idées venaient facilement, en raison de mon parcours professionnel, tourné vers l’optimisation des process et la communication, au sein d’une institution.
Un saut périlleux involontaire m’a offert un plâtre et le temps d’apprendre à utiliser des logiciels de design. J’ai alors commencé à imaginer comment l’illustration numérique, plus moderne que le dessin traditionnel, pourrait sensibiliser professionnels et particuliers à ce cadre de vie, qui murmure l’histoire de ses habitants à travers les siècles. Et puis, un jour, le grand saut, la création de « Dessine-moi une Bastide » autour de trois valeurs : la qualité, le localisme, l’écoresponsabilité.
En quoi consiste votre travail ?
Mes tâches principales s’organisent autour de plusieurs pôles. J’élabore des propositions concrètes pour aider les collectivités locales à rendre leur territoire attractif, à l’animer et à renforcer, grâce à leur patrimoine, le lien avec leurs administrés, via des activités locales et sur leur site internet. Je conçois aussi des solutions destinées à valoriser l’image de marque et le patrimoine géré par les acteurs du tourisme, les agences immobilières, les spécialistes du mariage. Pour les particuliers et les professionnels, j’illustre sur mesure des maisons, des châteaux, des pigeonniers, des devantures, à offrir, ou à s’offrir, pour un souvenir unique du lieu auquel ils sont attachés.
Je dessine également des affiches, du format carte postale au format A3, dans des styles différents, au gré de mes envies. En ce moment, je constitue une collection autour de belles demeures toulousaines, dont la beauté ou l’architecture me touchent. Par la suite, j’aimerais dessiner Montpellier et la Dordogne.
Comment réalisez-vous vos dessins et restitutions de ces bâtiments et architectures ?
Pour les affiches, la principale difficulté consiste à faire un choix. Lecteurs de Culture 31, je vous sollicite : indiquez-moi précisément des maisons, hôtels particuliers ou des châteaux que vous souhaitez voir en affiche, et dites-moi. Si je choisis celle que vous m’avez indiquée, un exemplaire vous en sera offert !
Je travaille sur la base de photos transmises par mes clients, ou prises par mes soins. 20 à 30 heures sont nécessaires pour retranscrire fidèlement à l’écran les proportions du bâtiment, les détails d’un balcon, de fenêtres, de la végétation, avant impression sur un papier PFEC écolabellisé.
Comment percevez-vous Toulouse ?
Toulouse me fait irrésistiblement penser à un décor de théâtre. Dans cette ville étonnante, les architectes et ornemanistes du XIXe siècle ont marqué, plus profondément qu’ailleurs, l’esthétique et rebattu les cartes des apparences. Vous croyez discerner une corniche Renaissance, une frise romane ? Pas du tout, c’est une moulure, fabriquée au XIXe siècle et multipliée à l’envi, grâce au procédé de plinthotomie, inventé par l’ingénieux Auguste Virebent. Des statues de marbre ? En fait, il s’agit de terre cuite, aimablement masquée par un enduit lumineux, selon la manufacture Giscard. La pierre reste chère et toute cette argile, aux alentours, est si malléable…
Le patrimoine ancien toulousain est en effet très beau (ça change agréablement de la promotion agressive tout autour, pas toujours heureuse architecturalement et écologiquement). Quels quartiers et coins de Toulouse préférez-vous ?
Presque tous ont leur charme. Entre Capitole et Esquirol, j’aime ces maisons à colombages devenues si fragiles, qui, pour certaines, ont échappé aux flammes du grand incendie de 1463. D’Esquirol aux Carmes, les hôtels particuliers racontent l’époque glorieuse du pastel. À la Colombette, d’anciennes enseignes, des lettres imprimées sur les façades rappellent qu’ici, habitations et manufactures se côtoyaient.
J’apprécie aussi les balades dans le quartier des Demoiselles et la Côte Pavée, pour découvrir l’architecture du XXe siècle, régionaliste, Art Nouveau et Art Déco. Leur créativité est une invitation au voyage. Penser que c’est ici que des fous têtus ont fait décoller des avions pour transporter des lettres d’amour vers l’Afrique et les pampas argentines vous dote de petites ailes dans le dos…