Workshop et exposition photo
Du 25 au 27 novembre prochains, l’hyperactif pôle photographique du Centre Culturel Saint-Cyprien à Toulouse organise un workshop avec Gabrielle Duplantier, une photographe-autrice familière des cimaises toulousaines. Suivra l’exposition issue de sa belle résidence à Sète, le 7 décembre dans la galerie du Laboratoire Photon, à Toulouse encore. Cette double actualité a motivé une petite conversation avec celle qui s’est résolue à accompagner chez d’autres l’éveil ou le développement d’une écriture visuelle singulière.
Au travers d’un travail original diffusé depuis plusieurs années via expositions, livres [1] et résidences, Gabrielle Duplantier se définit essentiellement comme une autodidacte parvenue à une familiarité avec le medium photographique au prix d’un parcours long et exigeant.
Gabrielle a d’abord mis les mains (littéralement, entre-autres) dans la peinture, un support de peu d’exigences techniques. De ce point de vue, le processus photographique impose davantage de cadre et de méthode. Mais chez tout artisan, la main se fait à l’outil, libère l’esprit des obsessions techniques, et laisse le champ libre à l’intuition créatrice, parfois vécue comme une forme d’exutoire ou d’extériorisation d’un en-dedans que l’artiste peine à mettre en mots.
C’est bien là que Gabrielle Duplantier a identifié en quoi un tel dialogue avec sa sensibilité pouvait nourrir ces pas-de-côté qui aident à comprendre le monde complexe dans lequel chacun trace son chemin. Solidement enracinée dans les lieux de son enfance, Gabrielle est tout autant stimulée par l’immersion dans un territoire neuf qu’elle va parcourir pour s’en imprégner, avant de l’appréhender comme objet de son travail. [2]
A regarder ses photos, c’est peu dire que chez elle l’instinct domine. Une fois la session de prise de vue engagée, elle sait reconnaître le moment précis où toutes sortes d’émotions accumulées éveillent en elle la conscience ou la vision d’une possible photographie. Sa gestation sera longue, ponctuée d’hésitations, à travers un travail minutieux sur la matière, à l’image de la peinture bien sûr, où l’on comprend mieux le choix de l’argentique et toute l’importance de la post-production – en chambre noire ou via les logiciels dédiés, deuxième temps créatif essentiel où les choses se révèlent, où des accidents peuvent même trouver du sens au regard de l’intention initiale.
Des noirs complexes, somptueux, enveloppants, ou qui accentuent au contraire la dureté d’une scène que la lumière crue, surexposée finit de verrouiller. Images magnétiques, vibrations acoustiques saisissantes, sourdes infra-basses, mélodies claires, bouquet choral, quarts de ton, rythmique de la transe, lamento poignant …
Toutes ces gammes et ces encres dessinent une dramaturgie qui irradie une sensualité paradoxale, tantôt tragique, tantôt réconfortante. Mais le plus bouleversant chez Gabrielle Duplantier est sa représentation des femmes, des filles. Celles qui s’abandonnent, lascives ou absentes dans des temps de rien. Celles qui s’abritent dans un refuge plus ou moins consolant. Celles dont le regard frontal fusille ou apaise. Toutes, montrées dans une évidente intimité, dégagent une puissance à fleur de peau, un tempérament assumé, sûres d’elles dans des atmosphères souvent troublantes. C’est toute la force des portraits de Gabrielle Duplantier: composer une scène quasi-organique, palpitante d’émotions, dont l’intensité des personnages opère un retournement vers le spectateur, l’oblige à une confrontation des plus captivante.
Sûre de cette sensibilité apprivoisée, Gabrielle Duplantier s’attachera au cours du workshop à d’abord écouter les participants, entendre l’objectif de chacun, identifier les ressorts créatifs qui l’amèneront à suggérer l’une ou l’autre piste. A encourager, surtout.
Creuser, oser l’intime, aller jusqu’au bout : s’exposer en somme, est un long processus, indescriptible, un objet inabordable par l’enseignement, un face-à-face auquel elle/il ne peut se dérober si l’artiste en devenir en perçoit l’enjeu.
[1] Gabrielle Duplantier a publié deux livres au Editions Lamaindonne: Volta (2014) réédité en 2021, et Terres Basses (2018).
[2] En 2021, elle est choisie pour la 15eme Résidence du Festival Images Singulières à Sète, le livre de la collection est édité aux Editions Le Bec en l’Air. L’exposition issue de cette résidence sera accrochée aux cimaises du Laboratoire PHOTON à partir du 7 décembre 2022 à 18h30 (vernissage)
Son travail fait l’objet de nombreuses expositions et publications en France et à l’étranger.
Membre du projet Collectif Temps Zero.
Représentée par la Galerie 127
Centre Culturel Saint-Cyprien, 56 allées Charles de Fitte à 31300 Toulouse