Les événements dramatiques qui bouleversent l’est de l’Europe affectent tous les milieux de nos sociétés. La culture ne saurait rester insensible à la souffrance du peuple ukrainien. C’est ainsi que les cinq associations musicales toulousaines qui sont hébergées dans les locaux de l’église du Gesu ont décidé d’agir pour la paix et le soutien des populations durement touchées par la guerre. Le 9 avril dernier, les musiciens concernés ont donc organisé, dans l’église du Gesu, un concert collectif dont les bénéfices seront versés à la Croix Rouge afin d’aider au mieux les victimes de ces affrontements.
Présenté par Yves Rechsteiner, le directeur musical de l’association Toulouse les Orgues, le déroulement de cette soirées caritative a donc réuni, devant un public nombreux, les musiciens des cinq entités impliquées bénévolement dans cette action humanitaire.
Toulouse les Orgues, en la personne d’Yves Rechsteiner, ouvre et referme, sur le bel orgue Cavaillé-Coll de l’église, cette fervente succession musicale avec deux pièces de Johann Sebastian Bach : la transcription pour orgue du Prélude de la Suite pour violoncelle seul BWV 1007 et l’émouvant Choral « O Haupt voll Blut und Wunden » (Ô tête pleine de sang et de blessures), extrait de la Passion selon Saint-Matthieu.
L’ensemble de cuivres anciens Les Sacqueboutiers réunit ensuite la violoniste Hélène Médous, la violoncelliste Susan Edward, l’organiste Yasuko Bouvard, ainsi que Jean-Pierre Canihac, cornet à bouquin, et Daniel Lassalle, sacqueboute. La Sonate XVI, « Sopra la battaglia », de Dario Castello, est suivie de la « Canzon decima in eco » de Giovanni Picchi, puis de la Canzon « Su la cetra amorosa », de Tarquinio Merula : un bouquet particulièrement expressif de pièces virtuoses de la Renaissance.
Les Arts Renaissants sont ce soir-là représentés par leur nouveau directeur musical, Jean-Marc Andrieu, à la flûte à bec, Stéphanie Cettolo, également à la flûte à bec, tous deux soutenus à l’orgue par Willem Jansen, le précédent directeur musical de l’association. Cinq pièces de Tarquinio Merula (Canzon « La Cattarina), Girolamo Frescobaldi (« Canzon terza », puis Capriccio pour orgue seul), Francesco Turini (Sonata a tre) et Marco Uccellini (Aria Quinta) illustrent de beaux dialogues évoquant irrésistiblement des chants d’oiseaux.
L’ensemble Antiphona, dirigé par Rolandas Muleika consacre son intervention aux splendeurs de la Troisième Leçon des Ténèbres de François Couperin. Les deux voix sont celles de Coline Bouton et Eva Tamisier, dessus (autrement dit sopranos), le continuo étant tenu, à l’orgue positif par Yves Rechsteiner et au violoncelle par Susan Edward. Timbres généreux et sensibles.
L’Ensemble Baroque de Toulouse, dirigé depuis la flûte traversière par Michel Brun, réunit en outre la violoniste Léonore Darnaud, la violoncelliste Susan Edward (décidemment à l’œuvre ce soir-là !) et la claveciniste Lucille Chartrain. Dans le Nouveau Quatuor Parisien n° 6, Georg PhilippTelemann « atteint là des sommets d’invention, de richesse mélodique, de verve rythmique » comme le commente le musicologue Jean-Luc Macia. Les interprètes en exaltent avec talent toutes les richesses.
A la suite du choral final de Bach, qui conclut la soirée sur une note sombre et profonde, tous les interprètes se réunissent devant le chœur de l’église comme en une dernière manifestation de soutien pleine d’émotion. La musique constitue décidément un beau moyen de sensibiliser les citoyens aux événements tragiques qui affectent le monde.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse