Après sa dernière visite en décembre 2016, l’Orchestre Philharmonique de Radio France retrouve à Toulouse celui qui a exercé les fonctions de directeur musical de cette phalange de 2000 à 2015, le grand chef coréen Myung-Whun Chung. Assumant à la fois la direction de l’orchestre et le rôle de pianiste soliste, Myung-Whun Chung propose cette fois un programme particulièrement populaire au sens noble du terme en associant Mozart et Beethoven.
Le soliste initialement prévu pour ce concert, Nicholas Angelich, ayant dû renoncer, le chef coréen devenu Directeur musical honoraire de l’orchestre a donc décidé de le remplacer dans ce rôle. Il faut rappeler que Myung-Whun Chung a commencé ses études musicales par le piano. A vingt et un ans, il a tout de même obtenu le Deuxième Prix du prestigieux Concours Tchaïkovski de Moscou.
Voici donc reformé à Toulouse cette association fertile entre le chef-pianiste et la formation orchestrale qu’il a conduite avec le succès que l’on sait.
Mozart, le n° 23 en la majeur. Le soliste dirige donc l’orchestre en formation de chambre, depuis son clavier. L’effectif ainsi limité de l’accompagnement permet au piano d’entretenir un dialogue fructueux avec les musiciens, et en particulier avec les pupitres de vents dont le rôle s’avère ici essentiel. Dès l’Allegro initial, l’extrême vitalité des échanges se manifeste avec un éclat lumineux. Quelques subtiles nuances personnalisent le discours aussi bien pianistique qu’orchestral. On admire en particulier celles que la cadence inspire au soliste. Le chant nostalgique de l’Adagio revêt d’abord un charme que l’épisode dramatique de ce mouvement vient légitimement bousculer. C’est dans le final Allegro assai que la tension se libère enfin dans la joie retrouvée. Le jeu du pianiste s’intègre parfaitement à celui du tutti très attentif aux indications du chef-soliste.
Tout autrement résonne la révolutionnaire Symphonie n° 3 dite « Eroica » de Beethoven qui complète le programme. Le chef semble avoir planifié son interprétation à la manière d’un manifeste impérieux. La caractérisation de chaque mouvement obéit à un schéma volontaire et cohérent qui s’impose à l’auditeur.
Cette vision convaincante de l’œuvre s’ouvre sur ces deux fameux accords de feu et de flamme de l’Allegro con brio. La vigueur du phrasé s’accompagne d’une expression de révolte, parfois même de rage. La fameuse marche funèbre du deuxième volet se déroule ici sans résignation. Une saine colère anime la seconde partie de ce mouvement, prolongeant ainsi la force créatrice du premier volet. L’éclat orchestral n’a d’égal que la beauté des timbres qui l’animent. La lumière du Scherzo apporte un peu de réconfort après la noirceur de l’Adagio.
C’est dans le final triomphant que se manifeste enfin l’irrésistible pulsion de vie. Les variations sur ce fameux thème des Créatures de Prométhée, sont admirablement construites et menées dans une progression implacable. Chaque pupitre de l’orchestre est stimulé à son meilleur. On ne peut qu’admirer le talent de chaque musicien. En particulier, la beauté des vents (et notamment du hautbois aux solos stratégiques) le dispute à celle des cors et des trompettes. Sans oublier le rôle essentiel des timbales aux interventions impérieuses.
Myung-Whun Chung dirige toute l’œuvre sans partition, sans baguette et curieusement ne bat pas la mesure. La précision des détails, la cohésion de l’ensemble n’en sont pas moins exemplaires. Les gestes du chef se consacrent à l’indication des nuances, à celle de l’agogique d’un discours parfaitement maîtrisé.
L’accueil enthousiaste du public, particulièrement attentif ce soir-là, en dit long sur l’impact de cette exécution véritablement impériale.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse