La Basilique Notre-Dame La Daurade recevait, ce mardi 14 décembre, pour animer le deuxième concert de la saison nouvelle des Arts Renaissants, trois grands ensembles de musique ancienne exceptionnellement réunis ce soir-là. Le programme festif, particulièrement en situation, imaginé pour cette soirée était simplement intitulé « Magnificat ».
Dans le cadre rénové et somptueux de la basilique Notre Dame La Daurade, les trois ensembles prestigieux trouvent naturellement leur place dans une complémentarité exemplaire. Les cordes de Café Zimmermann rencontrent chez les cuivres des Sacqueboutiers et les voix de l’Ensemble Clément Janequin une complicité musicale rare et stimulante. Tandis que Café Zimmermann, sous la direction artistique du violoniste Pablo Valetti, se situe dans les premiers rangs du concert baroque en France et en Europe, Les Sacqueboutiers, avec Jean-Pierre Canihac et Daniel Lassalle, consacrent leurs talents à la redécouverte de la pratique des cuivres anciens et du vaste répertoire de la Renaissance, alors que les « Janequin », dirigés par Dominique Visse, occupent une place unique dans la pratique vocale de toutes les musiques les plus spécifiques d’un registre qu’ils caractérisent avec une vitalité exemplaire.
Le programme nouveau présenté ce 14 décembre réunit tous les éléments susceptibles de célébrer cette fin d’une année difficile pour la culture et en particulier la musique vivante. Le titre générique de « Magnificat » recouvre un ensemble de pièces emblématiques des musiques sacrées et profanes d’un XVIIème siècle germanique fertile en talents créatifs et novateurs. Les partitions rares dévoilées ce soir-là s’avèrent savamment agencées. Les pièces instrumentales et vocales alternent au gré des affects qu’elles révèlent grâce à une science musicale impressionnante.
La Sonata XII « Tam aris quam aulis servientes » de Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704) ouvre le concert dans la solennité d’une orchestration brillante qui réunit toutes les forces instrumentales. Un peu plus loin dans la soirée, la Sonata IX a cinque du même compositeur, jouée par les seules cordes de l’ensemble Café Zimmermann en appellent avec succès à la sensibilité des interprètes. Une autre pièce célèbre de Samuel Scheidt (1587-1654), la Canzon super « O Nachbar Roland », réservée aux seuls cuivres anciens, cornets à bouquin et sacqueboutes, stimule et exploite l’irrésistible virtuosité des musiciens.
Les pièces vocales alternent elles aussi les caractères expressifs. Ainsi le motet « Ehre sei Gott in der Höhe », de Johann Michael Bach (1648-1694), le beau-père de Johann Sebastian, développe une polyphonie d’une richesse impressionnante, habilement soutenue par tous le chanteurs des Janequin. Ces derniers assument avec une touchante sensibilité le cheminement de la douleur à la joie du motet « Die mit Tränen säen » de Heinrich Schütz (1585-1672).
Les deux plus vastes pièces qui ont suggéré son titre générique à l’ensemble du programme sont effectivement deux « Magnificat ». Le Magnificat, SWV 468 de Heinrich Schütz, qui date de 1665, a été découvert dans le Manuscrit d’Uppsala. Son découpage traditionnel conduit à un étonnant dialogue entre les voix et les instruments. Les émotions naissent de cette intimité qui s’établit peu à peu et s’épanouit dans un Amen particulièrement touchant.
Plus rare, le Magnificat anima mea de Johann Rosenmüller (1617-1684) fait partie des Concertos Sacrés de cet héritier indirect de Schein et de Schütz, qui inspirera Bach et Telemann. Ce qui frappe le plus dans cet hommage à la Vierge Marie est probablement lié aux contrastes expressifs. La joie s’exprime avec autant d’intensité que la nostalgie ou même la tristesse. Les interprètes s’investissent dans ce voyage sacré avec une intensité qui émeut.
Après un tel déploiement de raffinement, de sensibilité et de virtuosité, l’accueil chaleureux du public rappelle les chanteurs et les musiciens qui proposent, par la bouche de l’animateur de la soirée Dominique Visse, un bis inattendu, quoique… C’est donc sur les accents d’un autre cantique, plus proche de nous, mis en musique par Adolphe Adam en 1847, « Minuit Chrétien », habilement harmonisé, que ce bel événement se conclut dans les sourires !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse