Le retour à Toulouse des six garçons dans le vent a suscité l’enthousiasme d’un public fasciné par les qualités incomparable de cet ensemble de chanteurs, de musiciens, d’acteurs totalement hors normes. Après son ouverture par le grand pianiste Krystian Zimerman, la saison Grands Interprètes frappe fort avec ce concert qui a totalement rempli l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines, si bien adapté à un tel programme.
Plus d’un demi-siècle après sa fondation au King’s College de Cambridge, le mythique sextuor vocal britannique The King’s Singers se distingue toujours par l’imagination avec laquelle il conçoit des programmes originaux autant que par les beautés vocales et musicales de ses prestations. Avec sa nouvelle proposition, intitulée Finding Harmony, l’ensemble a décidé d’aborder l’apport de la musique dans les grands moments de lutte de l’histoire des civilisations. Le concert toulousain des King’s Singers, ou plutôt leur spectacle, se présente ainsi sous la forme d’un voyage en plusieurs étapes dans le temps et dans l’espace.
De la réforme protestante en Europe aux mouvements des droits civiques aux Etats-Unis, une vision humaniste de l’histoire émerge des exemples musicaux choisis. Et ces exemples sont admirablement interprétés. Chaque épisode fait appel aux incroyables qualités vocales et musicales de chaque membre et de l’ensemble. La précision, la justesse, la cohésion constituent évidemment les atouts « de base » du groupe. Chaque chanteur, deux contre-ténors, un ténor, deux barytons et une basse possède ses propres caractéristiques qui contribuent à la beauté sonore et expressive de l’ensemble. En outre, comment une telle perfection technique peut-elle à ce point susciter le naturel, la spontanéité, la vie frémissante de telles interprétations ? Cela reste un mystère dont il faut profiter pleinement.
Au cours du concert , chaque membre de l’ensemble prend à son tour la parole afin de présenter, avec précision mais souvent avec humour, les étapes de ce périple. Signalons enfin que toutes les interventions utilisent les langues des pays visités que les chanteurs pratiquent avec une aisance déconcertante.
Le voyage en question s’ouvre sur les incantations nées de la ségrégation raciale aux USA. De Mahalia Jackson à U2, en passant par le pasteur Martin Luther King, les chants, arrangés avec art, ménagent de belles interventions solistes. La révolution en chantant qu’a connu l’Estonie donne lieu à quelques hymnes émouvant à la gloire de la libération du pays après la chute de l‘Union Soviétique. Une impressionnante étape en République de Géorgie amène les contre-ténors à pratiquer le « iodle », pourtant bien éloigné de la culture britannique. Plus familières aux chanteurs du roi, l’Ecosse et ses démêlées avec les Anglais donnent naissance à quelques chants nostalgiques et à une incroyable imitations des instruments de musique. L’ensemble vocal devient un orphéon !
Une belle pureté expressive habite les musiques de la Réforme en Allemagne et en Angleterre, avec des pièces de Johann Sebastian Bach, William Byrd et Thomas Tallis. Après une incursion en Afrique du Sud en lutte contre l’apartheid, le voyage évoque la tragique histoire du peuple juif pendant la deuxième guerre mondiale. L’émotion d’un berceuse chantée en yiddish retient un long moment les applaudissements qui finissent par éclater avec enthousiasme.
Mais il reste une étape plus actuelle et plus heureuse à franchir. Entre les Beatles de Penny Lane et Blackbird et quelque allusion au groupe Queens, une incursion dans le monde de Duke Ellington transforme les King’s Singers en véritable jazzband instrumental. L’illusion est bluffante !
Longuement acclamés, les artistes témoignent leur bonheur de se retrouver à Toulouse après la période difficile que nous venons de connaître. Comme le pouvoir de la musique est grand !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse