En partenariat avec le festival international Toulouse les Orgues, le concert du 8 octobre dernier associait l‘instrument-roi à l’Orchestre national du Capitole. Les invités de cette soirée, le chef d’orchestre Fabien Gabel et l’organiste Henri-Franck Beaupérin avaient choisi de réunir des œuvres destinées à exalter les brillantes couleurs de l’orchestre et de l’orgue particulier qui trônait sur le plateau de la Halle aux Grains.
Rappelons que Fabien Gabel, après des études de trompette, s’est perfectionné à la direction d’orchestre aux côtés de David Zinman, et a reçu les conseils d’Armin Jordan. Il a également travaillé en collaboration étroite avec Sir Colin Davis et Bernard Haitink, mais aussi aux côtés de Paavo Järvi. Quant à l’organiste Henri-Franck Beaupérin, lauréat de nombreux concours internationaux, il a été l’un des derniers disciples de Gaston Litaize. Il a étudié notamment auprès de Michel Chapuis, Olivier Latry, Michel Bouvard, Loïc Mallié et Jean-Claude Raynaud au conservatoire de Paris et complété sa formation auprès de Jean Boyer, Louis Robilliard, Thierry Escaich, Ton Koopman et Jean Guillou. Vivement intéressé par la facture d’orgues et son devenir, il est le concepteur de “Gulliver”, orgue modulaire assisté par ordinateur qui attire l’œil dès l’entrée dans la Halle aux Grains. Cet authentique orgue à tuyaux, constitué de multiples éléments interconnectés, est transportable en tous lieux.
C’est sur cet instrument qu’Henri-Franck Beaupérin joue en soliste une œuvre rare de Franz Liszt : la version pour orgue et orchestre de la Fantaisie et Fugue sur « Ad nos, ad salutarem undam ». Bien que n’étant pas organiste, Liszt a beaucoup écrit pour l’orgue. Cette composition, à l’origine pour orgue seul, s’inspire d’un extrait de l’opéra de Meyerbeer Le Prophète, et est baptisée pour cela « Choral du Prophète ». Dédiée à Giacomo Meyerbeer, cette œuvre a été arrangée plus tard pour orgue et orchestre par Marcel Dupré. Cette version haute en couleurs reprend les trois volets de l’original et évolue de la calme méditation vers le déchaînement d’un final triomphant.
Au cours de cette soirée, cette pièce est précédée de l’ouverture de l’opéra Königskinder (Enfants du Roi), œuvre rare d’Engelberg Humperdinck, l’auteur du plus célèbre Hänsel et Gretel. Pièce brillante et enlevée grâce à la direction essentiellement dynamique de Fabien Gabel et à la virtuosité sans faille des musiciens.
La seconde partie de la soirée est placée sous le signe du même personnage biblique, la perverse Salomé. La fameuse « Danse des sept voiles » constitue l’un des moments clés de l’opéra incandescent de Richard Strauss, Salomé. Avant la frénésie finale de cette pièce, l’orchestre prend des couleurs nettement orientales et séductrices. On admire au passage la qualité des interventions solistes comme celles envoûtantes de la flûte et du hautbois.
Également inspiré du personnage popularisé par la pièce éponyme d’Oscar Wilde (1891), la suite pour grand orchestre La Tragédie de Salomé, de Florent Schmitt, révèle un compositeur particulièrement original. Dans sa volonté d’illustrer le drame qui conduit à la décapitation du prophète Jean-Baptiste, Florent Schmitt avait d’abord composé une musique scène pour un mimodrame de Robert d’Humières, directeur du Théâtre des Arts. La Suite pour grand orchestre a bâti la réputation justifiée d’un compositeur trop longtemps négligé. Les deux volets de La Tragédie de Salomé exploite toutes les ressources expressives d’une grande formation symphonique. Les mystères d’un Orient inquiétant, exposés avec un sens admirable de l’atmosphère, jusqu’au danses frénétiques du final, l’exubérance traduit parfaitement le tempérament passionné de coloriste romantique que le compositeur déploie ici. Une fois encore, le hautbois solo et la flûte solo, mais également les harpes et les percussions jouent sur les sommets. Avec la Danse des Éclairs et la Danse de l’Effroi, bâties sur une exaspération du rythme, le chef déchaîne toutes les forces d’un orchestre chauffé à blanc.
A coup sûr cet épisode passionnant constitue l’acmé de la soirée.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Orchestre national du Capitole • Toulouse les Orgues