La cinquième saison de Musique en Dialogue aux Carmélites poursuit sa joyeuse célébration du 400ème anniversaire de la naissance de Jean de La Fontaine, toujours dans le cadre raffiné de la Chapelle des Carmélites. Ce dimanche 18 juillet, à 16 h, la deuxième des rencontres de cette nouvelle saison évoquait « Le bestiaire baroque » convoqué par le fabuliste pour inventer une morale humaine. Un public émoustillé par la prestation originale de l’ensemble Faenza a particulièrement apprécié la démarche.
Fondé en 1996 et dirigé par Marco Horvat, l’ensemble Faenza engage une démarche artistique originale inspirée de la pratique historique, un peu oubliée de nos jours, du chant auto-accompagné et de la multiplication instrumentale de chaque artiste. Ainsi, Marco Horvat chante et joue de l’archiluth et de la guitare. Sarah Lefeuvre partage ses interventions entre le chant et la flûte, Hermine Martin entre la flûte et la musette, Olga Pitarch entre le chant et l’ottavino. Seule Ayumi Nakagawa se consacre exclusivement à son clavecin.
La plus réjouissante des libertés caractérise les interventions musicales et littéraires de l’ensemble qui explore ainsi le monde poétique de La Fontaine et surtout celui du bestiaire hétéroclite qu’il convoque « pour instruire les hommes ».
L’extrême diversité qui caractérise le programme puise néanmoins une grande partie des pièces abordées ici dans un recueil datant des années 1730 et pompeusement intitulé « Nouvelles Poésies spirituelles et morales sur les plus beaux airs de la musique françoise et italienne, avec la basse : On y joint des fables choisies dans le goût de M. de La Fontaine, sur des vaudevilles et petits airs aisés à chanter, avec leur Basse et une Basse en musette. » Les musiciens-chanteurs-acteurs de l’ensemble Faenza alternent ainsi les divers moyens d’expression. Certains textes de La Fontaine sont chantés, d’autres déclamés, parfois accompagnés par l’instrumentarium disponible. Deux des fables les plus connues (encore que !) ouvrent la rencontre : Les Grenouilles qui demandent un Roi et Le Corbeau et le Renard, toutes deux extraites du recueil mentionné.
D’autres pièces musicales et vocales ont pour auteurs des compositeurs plus ou moins connus de l’époque, comme Nicolas Chédeville ou François Campion, ou encore Marin Marais et Jacques-Marin Hotteterre, pour citer les moins oubliés, sans parler des Anonymes ! En outre deux pièces de François Couperin exclusivement réservées au clavecin donnent à Ayumi Nakagawa l’occasion de briller avec musicalité. Il s’agit de L’Anguille, et du Rossignol en amour.
Il faut également souligner les qualités vocales de Sarah Lefeuvre et Olga Pitarch qui confèrent toute leur poésie et parfois leur humour aux nombreuses et diverses pièces chantées. Ces deux artistes, mais également Hermine Martin, pratiquent en outre avec talent les flûtes à bec de diverses tessitures. Soulignons les contributions originales de la rare musette, sorte de petite cornemuse alimentée par un soufflet, instrument pastoral que pratique avec naturel Hermine Martin.
Marco Horvat n’hésite pas à occuper le registre de l’humour que certaines fables manient avec une étonnante prémonition… Décidemment, Jean de La Fontaine est de tous les temps ! La Tortue et l’Aigle, qui conclut le programme, en est un bel exemple qui provoque de larges sourires parmi les spectateurs.
L’accueil chaleureux de ce public témoigne bien de l’impact d’une œuvre immortelle que les talents réunis de l’ensemble Faenza savent traiter avec respect mais également avec une bonne dose d’imagination et de liberté. La reprise comme bis de la fable Les Grenouilles qui demandent un Roi prolonge encore la bonne humeur de toute la rencontre. Une bonne humeur particulièrement bienvenue par les temps qui courent !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Musique en Dialogue aux Carmélites