Trois compositeurs pour vous surprendre, à savoir, Gabriel Fauré, Francis Poulenc et Erich Wolfgang Korngold. Trois partitions vont se succéder le vendredi 23 avril, à la Halle, à 20h, dans les mêmes conditions, hélas encore.
Ce concert sera diffusé en LIVE sur : Facebook ONCT – Facebook Mairie de Toulouse et sur Youtube ONCT, où il restera disponible en streaming jusqu’au 6 juin 2021.
Les musiciens à la tâche sont tous les pupitres de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, l’ONCT. Sur l’estrade, nous retrouvons un habitué du lieu, le chef Kazuki Yamada. La soliste est la jeune violoniste lettone Baiba Skride déjà venue à la Halle. Sur les artistes, vous en saurez davantage dans l’article de Serge Chauzy ici-même sur le blog.
À l’origine de la suite “Masques et bergamasques“ op. 112, de l’appaméen Gabriel Fauré est une commande du prince de Monaco que le compositeur reçoit en septembre 1918 : il s’agit d’un divertissement en un acte avec comme protagonistes trois personnages de la commedia dell’arte, soit Arlequin, Gilles et Colombine. À son début, la partition complète comportait huit morceaux, dont trois faisaient appel aux voix. Le nom donné à la suite n’implique pas un programme particulier. En effet, il est emprunté au début du poème “Clair de lune“ de Paul Verlaine et mis en musique par Fauré dans la pièce homonyme de son ballet :
{…} Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques. {…}
La suite d’orchestre constituée plus tard par le compositeur retient les quatre pages les plus récentes du ballet, terminées à Menton en février 1919 : Ouverture, Menuet, Gavotte, Pastorale. Et donnée en première audition à Paris le 16 novembre 1919.
Le Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 35 est composé par Erich Wolfgang Korngold, musicien dont tous les amateurs de lyrique ont pu entendre parler puisque son opéra le plus connu est arrivé enfin au Théâtre du Capitole il y a trois ans, presque cent ans après sa création en décembre 1920, et sa consécration, alors. Korngold a 23 ans.
Pendant les années 30, le musicien va se partager entre l’Europe et les Etats-Unis puis, rattrapé par l’Anschluss en 1938, il va partir en exil forcé aux Etats-Unis, jusqu’en Californie, et trouvera de quoi subvenir grâce à Hollywood puisqu’il deviendra un créateur de musiques de film très recherché, notamment les films de cape et d’épée. Sa musique pour Les Aventures de Robin des Bois de Michaël Curtiz lui vaudra un deuxième Oscar. Néanmoins, l’Europe ne l’oublie pas encore puisque son opéra Die Kathrin est créé à Stockholm le 7 octobre 1939. Puis, jusqu’en 1946, il ne se consacre plus qu’à la musique de film, et tentera bien un retour dans son pays natal, et surtout à Vienne. Hélas, la guerre est passée par là, et il est plutôt oublié.
À partir de 1945, il retourne à la musique classique, et ce seront ses dernières partitions orchestrales avec la création en 1946 du Concerto pour violoncelle et orchestre en ut op. 37 et, en 1947, du Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 35, dédié à Alma Mahler-Werfel, deux partitions inspirées de musiques de film dont il fut l’auteur comme Another Dawn/La tornade de 1937 et Juarez de 1939, ou encore Anthony Adverse de 1936. Sans oublier pour suivre, La Sérénade symphonique de 1948, tout en commençant ce qui sera sa dernière œuvre majeure, la Symphonie en fa dièse majeur op. 40 qu’il achèvera en 1952.
Le Concerto joué ce soir, fut terminé en 1947 (plus de 8 ans de gestation), écrit pour Bronislav Huherman, un des grands virtuoses de l’époque qui, finalement ne le jouera pas. Ce juif polonais, chassé de son pays, exilé en Angleterre puis rentré en Suisse où il décède en 1946 était un violoniste virtuose. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il fonda en 1936, l’Orchestre Philharmonique de Palestine, ancêtre du Philharmonique d’Israël. C’est, finalement, Jascha Heifetz qui donne la première exécution du Concerto en 1947 et ce, avec le St Louis Orchestra dirigé par un certain Vladimir Golschmann, chef d’orchestre français, né dans une famille russe arrivée à Paris. Il part aux USA pour faire carrière. Il décède à NY en 72, à 78 ans. L’ouvrage va enthousiasmer le public américain, un peu moins le public européen, alors, même si maintenant c’est un concerto devenu incontournable.
La tradition postromantique viennoise de sa jeunesse emplit toujours sa tête et tout au long du concerto, les thèmes rappellent sans difficultés les matériaux musicaux de ses musiques de film. Les réminiscences sont nombreuses et c’est une pratique habituelle pour le compositeur puisque, si l’on va vers les Fünf Lieder, op.38, contemporains du concerto, on peut s’amuser à retrouver les thèmes, à condition, toutefois, de connaître les films en question !! Côté violon, on dira que les difficultés sont un peu du même niveau que celles rencontrées par Paul, le “héros“ de l’ouvrage, dans l’opéra Die tote Stadt, c’est-à-dire ardues : mieux vaut avoir technique sans faille et virtuosité. Après, les paris sont ouverts dans la découverte des thèmes qui se succèdent. On remarquera aussi, côté orchestration, les mille et une subtilités orchestrales, et une section de percussions relativement abondante, chose rare en concerto, mais que le compositeur a su utiliser avec modération ! dernière remarque enfin, le violon prend la parole d’entrée et ne la lâchera que rarement, le soliste étant sollicité jusqu’au bout.
Quant à Francis Poulenc, il fut plutôt dédaigneux des grandes formes, et notamment de la symphonie romantique. Sinfonietta fut une sorte d’illustration du refus de se plonger dans l’écriture d’une symphonie dite du XIXème ou du XXè. C’est plutôt comme une sorte d’“hommage d’un moderne aux maîtres du passé“. Les symphonies de Haydn lui convenaient fort davantage, tout comme celle en Ut de Bizet, atypique du XIXè, et même du XXè, celle dite classique d’un certain Prokofiev. Pour autant, avec ses quatre mouvements, elle possède bien les dimensions des partitions incriminées. La composition de sa Sinfonietta débuta en 1947 et s’acheva, date précise, le 8 septembre 1948. Dédiée à Georges Auric, l’œuvre fut créée le 24 octobre 1948 à Londres par le Philharmonia et dirigée par le chef français célèbre à la sortie de la Deuxième Guerre mondiale, Roger Désormière. Servie par une orchestration brillante, la musique ne recule pas devant sa première qualité reconnue : plaire. On y retrouve toutes les caractéristiques de l’écriture de Poulenc : facilité mélodique, orchestration aussi tranchante et rythmes sautillants. Du traditionnel allegro con fuoco va émerger le second mouvement, molto vivace, sorte de scherzo, au rythme sautillant. Vient un andante cantabile au charme empreint de lyrisme qui fait une habile transition avec l’insouciance feinte, très “haydnienne“ du finale prestissimo, très jovial.