Placé encore et toujours sous le signe du huis clos imposé par les circonstances sanitaires, le concert du 6 mars dernier a bénéficié, comme ses prédécesseurs, de la diffusion sur Internet ouverte à tous. Les mélomanes fidèles ont donc encore la possibilité, et ce jusqu’au 19 avril, de vivre ou revivre sur Internet cette belle soirée musicale à laquelle l’auteur de ces lignes a eu le privilège d’assister en « présentiel ».
Invité pour la première fois à Toulouse et à la tête de l’Orchestre national du Capitole, le jeune chef allemand Thomas Guggeis est donc venu diriger ce programme musical d’un romantisme exacerbé consacré aux deux célèbres Richard de cette période : Richard Wagner et Richard Strauss. Ancien assistant de Daniel Barenboim, Thomas Guggeis a fait ses études de chef d’orchestre à Munich et Milan. Il a dirigé au Badisches Staatstheater de Karlsruhe ainsi qu’au Kammeroper de Munich. Dès la saison 2016/17, le jeune chef d’orchestre a donc assisté le directeur musical Daniel Barenboim et a occupé le poste de pianiste-répétiteur au Staatsoper de Berlin. Thomas Guggeis a été nommé chef d’orchestre au Staatsoper de Stuttgart, dès la saison 2018/2019.
A la tête de la grande formation symphonique toulousaine, Thomas Guggeis s’investit totalement, de tout son corps, de toute sa conviction, obtenant de l’orchestre une cohésion parfaite et en même temps une richesse extrême de couleurs et de nuances. Il place cette aptitude à « jouer de l’orchestre » au service de l’expression la plus convaincante de chaque œuvre abordée.
Le concert s’ouvre donc sur le Prélude de Tristan et Isolde suivi de la version orchestrale de la Mort d’Isolde de Wagner. Minutie, finesse des phrasés, sens étonnant des nuances (ces piano subito si touchants !) caractérisent cette interprétation aussi élaborée dans le détail que dans la construction générale. L’émotion naît de cette approche profonde du déroulement du drame. Le grand crescendo du Prélude, du murmure à l’incandescence passionnée, donne les larmes aux yeux. La scène finale, ainsi offerte, évoque une ascension mystique d’une irrésistible beauté. Un très grand moment de musique et d’émotion.
La seconde partie du concert est consacrée au poème symphonique de Richard Strauss « Also sprach Zarathustra » dont le titre allemand maintient l’ambiguïté entre les deux traductions françaises possibles : Ainsi parla (ou parlait) Zarathoustra. Inspiré de l’œuvre de Nietzsche, ce déploiement somptueux de l’orchestre symphonique enchaîne les épisodes évoqués dans les « discours » manichéens du poète-prophète Zarathoustra.
L’introduction grandiose, Einleitung, (rendue célèbre par la bande-son du film 2001, l’Odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick) développe un crescendo devenu mythique, évoquant le lever de soleil (Sonnenaufgang) sur la montagne. Ainsi dirigée et jouée avec conviction par tout l’orchestre, cette entrée en matière décisive donne le frisson. Encore une fois, la dynamique déployée, la progression parfaitement maîtrisée éblouissent autant qu’elles submergent.
Les fameuses trois premières notes de cette introduction constituent le fil rouge reliant les huit mouvements qui suivent. L’ensemble des pupitres et des musiciens franchissent avec brio toutes les difficultés, et parfois les chausse-trapes imaginées par le compositeur. Outre la ferveur chaleureuse des cordes (avec un accent particulier pour la sombre intensité des contrebasses, spécifiquement sollicitées), félicitons les bois si colorés ainsi que le brio et l’éclat des cuivres, sans oublier les interventions stratégiques des percussions.
Les applaudissements réciproques du chef et des musiciens à l’issue du concert témoignent de la belle entente qui a présidé à ces premiers contacts, dont on peut souhaiter qu’ils ne soient pas les derniers…
Comme lors des concerts précédents, cet événement, reste disponible en streaming jusqu’au 19 avril 2021 sur Facebook ONCT – Facebook Mairie de Toulouse – sur YouTube ONCT .
Une chance à saisir !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse