Ne pouvant accueillir de spectateurs à la Halle aux Grains durant les mois d’octobre et de novembre, l’Orchestre national du Capitole maintient le lien avec son public grâce à des concerts donnés à huis clos et diffusés sur ses réseaux sociaux et autres médias. Deux concerts ont été retransmis en live sur la chaîne YouTube de l’Orchestre ainsi que sur la page Facebook de France 3 Occitanie.
Orchestre National du Capitole © Patrice Nin
Guitare et orchestre
Le concert du 31 octobre a réuni le jeune chef d’orchestre britannique Kerem Hasan et le guitariste que l’on ne présente plus à Toulouse, sa ville de naissance, le très brillant Thibaut Garcia. Diffusé en particulier en live à 18 h sur la chaîne You Tube de l’Orchestre, ce très beau concert a donc permis de retrouver Thibaut Garcia, Révélation aux Victoires de la musique classique en 2019, qui vient précisément de sortir un nouvel album chez Warner Classics, « Aranjuez », avec l’Orchestre national du Capitole de Toulouse placé sous la direction de Ben Glassberg. Ce disque vient de recevoir un « Diapason d’Or » du magazine Diapason.
Dans une Halle aux Grains vide de ses spectateurs mais brillamment animée par les musiciens (masqués pour ce qui concerne les pupitres de cordes), le concert se déroule donc dans une atmosphère étrange mais très conviviale et même chaleureuse. Si le contact avec le public ne se manifeste qu’à distance, la spontanéité du direct subsiste. Les regards échangés, l’implication de chaque musicien, du chef et du soliste participent à la vitalité qui anime cette rencontre.
Thibaut Garcia, guitare, et Kerem Hasan à la tête de l’Orchestre national du Capitole – Photo Youtube ONCT –
Le Concerto d’Aranjuez, interprété en première partie de ce concert du 31 octobre, est un chef-d’œuvre universel de Joaquín Rodrigo. Thibaut Garcia, comme il l’a récemment confié, a puisé dans cette œuvre sa vocation de guitariste. Son amour de cette partition transparaît dès ses premières mesures a capella. Joué dans la continuité, le concerto bénéficie non seulement de la poésie digitale de Thibaut Garcia, mais également des riches couleurs « ibériques » des pupitres de l’orchestre. Admirons tout particulièrement le solo de cor anglais de Gabrielle Zaneboni qui ouvre le mythique deuxième mouvement. Cette tendre nostalgie est suivie de la joie solaire d’un final éblouissant. A retrouver sur Internet par le lien direct.
La Symphonie n° 3 « Héroïque », de Beethoven, qui célèbre une fois de plus le 250ème anniversaire du compositeur, témoigne à son tour de la vitalité et de la bonne santé musicale de notre formation symphonique. Kerem Hasan dirige cette partition emblématique du génie novateur beethovénien avec respect et nuances. La Marche funèbre bénéficie d’un recueillement touchant. Jusqu’au final jubilatoire, l’œuvre touche et rassemble. Bien sûr, les applaudissements d’un public « éloigné » manquent cruellement. Mais l’espoir reste vivace. Le lien Internet direct permet de retrouver cette interprétation.
Grand piano
Le chef d’orchestre français Fabien Gabel, actuellement directeur musical de l’Orchestre symphonique de Québec et le pianiste toulousain Bertrand Chamayou, ont animé le concert du 14 novembre, lui aussi retransmis en direct sur You Tube. La musique française, inscrite au programme, a couvert un éventail coloré des productions de la fin du XIXème siècle au début du XXème.
Bertrand Chamayou a choisi d’ouvrir cette belle rencontre musicale avec le Concerto n° 2 pour piano et orchestre composé par Camille Saint-Saëns en moins de trois semaines en 1868 pour le pianiste Anton Rubinstein. Cette pièce virtuose et effervescente demande une implication totale du soliste dont la partie explore le large éventail des couleurs et des expressions possibles sur un clavier ! Bertrand Chamayou s’empare de la partition avec une énergie et un engagement impressionnants. Le solo de piano tempétueux qui ouvre l’Andante sostenuto initial évoque ici les grandes improvisations pour orgue qui fleurissent en cette fin du XIXème siècle. Le dialogue enflammé qui oppose et réunit alternativement le soliste et l’orchestre prend ce soir-là des proportion épiques. On admire les alternances d’héroïsme et de poésie que les interprètes soulignent avec détermination tout au long du premier volet. Après le vivacité joyeuse de l’Allegro scherzando, la tarentelle effrénée et virtuose du final Presto coupe le souffle ! Bertrand Chamayou quitte le plateau sous les acclamations de ses collègue musiciens.
Le pianiste Bertrand Chamayou et Fabien Gabel dirigeant l’Orchestre national du Capitole – Photo Youtube ONCT –
La seconde partie est consacrée à Maurice Ravel et Albert Roussel. Du premier, le célèbre poème chorégraphique pour orchestre, La Valse, révèle ici un sens aigu du crescendo de la part de la direction et la science des couleurs se chaque pupitre, de chaque musicien de l’orchestre. La menace guerrière transparaît sous le brillant et la sensualité de l’évocation chorégraphique. L’apothéose finale évoque irrésistiblement le tourbillon d’une catastrophe.
La deuxième Suite d’orchestre du ballet Bacchus et Ariane du marin compositeur Albert Roussel complète ce brillant panorama de musique française. Le ballet original de 1930 revisite les mythes de la Grèce antique, un peu comme Ravel l’avait fait avec Daphnis et Chloé vingt ans auparavant. Il s’agit là d’un chef-d’œuvre lumineux, soutenu par une éblouissante orchestration. L’Orchestre national du Capitole renoue ici avec son domaine d’excellence. Les contrastes dynamiques, la toute-puissance du rythme, l’explosion des timbres et des couleurs, l’alternance entre lyrisme et violence sauvage trouvent ici leur terrain parfait d’expression, sous la direction acérée et précise de Fabien Gabel. La bacchanale met le feu à la Halle !
Un grand et beau moment de musique que l’on regrette de ne pouvoir acclamer… mais que l’on peut retrouver grâce au lien direct.
La réalisation et les prises de vue de ces vidéos, d’excellente qualité visuelle et sonore, permettent de patientier en bonne compagnie jusqu’à la reprise espérée de la réalité vivante de ces concerts…
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Orchestre National du Capitole