Concert final en beauté !
Ce Festival 2019 aura été riche en belles surprises.
L’ambiance pour le dernier concert du festival est toujours particulière et la cours du château était bien remplie. Beaucoup de surprises nous y attendaient. Le plaisir a été grand de retrouver le Quatuor Mona. Dans le premier quatuor de Haydn de l’opus 77 toutes les quatre ont été souveraines. Leur interprétation impeccable est pleine de charme et d’humour ; sons lumineux, précision, rigueur, fines nuances et très beaux phrasés. Tout cela confirme la très grande qualité de ce quatuor naissant.
Le duo pour deux violoncelles de Jean Baptiste Barrière nous fait voyager en ce temps où la Viole de Gambe a été détrônée par le Violoncelle. La partition est ambiguë dans le sens où elle traite en apparence les deux violoncelles à égalité, sans rivalité, comme dans les conversations entre Violes de Gambe. L’impression générale de la musique est plutôt de style italien. Ce musicien français a une très riche vision des possibilités du violoncelle en train de s’émanciper du continuo. Nos deux violoncellistes ont été charmants. La riche personnalité extravertie de Claudio Bohorquez a su contaminer et encourager avec une bienveillante amitié le jeune Aurélien Pascal. Celui-ci a su s’exprimer avec beaucoup de délicatesse. Il avait choisi de tenir son instrument entre ses jambes sans la pique qui lui sera attribuée plus tard. Le contact plus intime avec l’instrument lui a permis d’enrichir sa sonorité et de raffiner son expression. Les deux artistes complices et complémentaires ont eu un très beau succès personnel. Mais le compositeur si intéressant reste à rechercher et à écouter, pour approfondir ce moment clef de l’histoire de la musique.
Le Quintette pour vents et piano de Mozart est une grande oeuvre à la célébrité méritée. Ce soir la perfection a tutoyé les étoiles. Dans la nuit provençale le délice de cette sublime interprétation n’a pas de prix. Le piano de Théo Fouchenneret est une véritable merveille de style, d’élégance et d’esprit taquin. Voilà le piano que j’imagine Mozart jouait pour ses amis. Quant aux vents j’ai déjà dit leurs qualités et je maintiens qu’il n’est pas possible de rêver mieux. Le cor de Jimmy Charitas apporte une note peut-être encore plus élégante dans une qualité de son superlative. Mais nous sommes à un tel niveau ! La jubilation contenue dans ce Quintette a été aussi grande sur scène que dans la salle.
Poursuivant leur exploration des femmes compositeurs, les directeurs artistiques ont trouvé une véritable perle, scandaleusement méconnue, avec Amy Beach, femme compositeur américaine vraiment subtile. Sa partition pour flûte et quatuor à cordes a été un moment de musicalité rare. Le thème mélancolique et légèrement alangui est d’ Amy Beach, « An Idian Lullaby ». Il s’insinue de manière troublante tout au long de la composition pour finir joué par tous, flûte y compris. L’exposition subtile du quatuor à corde saisit par sa beauté, sa souplesse et sa délicatesse. Le quatuor Mona s’est transformé en algues laminaires dansant au fond de l’eau pour donner toute sa liquidité et son apesanteur à cette introduction. Emmanuel Pahud lui-même a eu une écoute de fin musicien appréciant cette beauté si pure. Il a su trouver dans son jeu cette liquidité et cette subtilité de nuances quasi irréelle. Les variations ne sont pas du tout du style à mettre en valeur la vélocité de la seule flûte. C’est quelque chose de beaucoup plus subtil, intégrant tous les instruments un peu à une autre échelle, comme les variations symphoniques Enigma du compositeur anglais E.Elgar. Cette construction sonore savamment ouvragée entre le quatuor et la flûte a été un moment de temps suspendu, proche du sublime, avec une surenchère de phrasés délicats entre les musiciens. Les jeunes femmes du quatuor rejoignant au firmament de la musicalité un Emmanuel Pahud génial dans le partage et les échanges inter pares. Le succès a été enthousiasmant pour tous les cinq. N’oublions pas la qualité de la composition d’Amy Beach ! Pour finir ce Festival en regroupant le maximum de musiciens la Nonette de Louis Spohr est une trouvaille. Il ne s’agit pas d’une petite nonne… mais d’une oeuvre pour neufs instruments, deux quatuors, un de cordes et un de vents, plus une contrebasse. Cette œuvre très habilement écrite met en valeurs chacun et les associations de timbres sont savoureuses. Le style est plaisant avec un esprit semblable à celui de Rossini. La vitalité est chevillée à la partition et nos neuf musiciens amis se sont jetés avec jubilation dans cette Nonette. Chacun a rivalisé de charme et c’est la musique qui a gagné car personne n’a souhaité écraser les autres. Soulignons que le violon de Karen Gomyo a été d’une beauté particulièrement remarquable avec une interactivité sidérante. L’ interprétation a été très nuancée, fourrée d’humour et pleine de vitalité. Cette Nonette est l’oeuvre rêvée pour finir en beauté et dans la joie ce festival 2019 dans lequel les belles découvertes en termes d’oeuvres et de nouveaux talents ont été bien agréables.
Et comme il nous est annoncé qu’ils reviendront l’an prochain, ce sera un plaisir de les retrouver pour l’édition 2020 !
Hubert Stoecklin
COMPTE-RENDU, concert. Salon de Provence, Château de l’Empéri, le 5 Aout 2019. Joseph Haydn (1732-1809) : Quatuor en sol majeur Op.77 n°1 ; Jean Baptiste Barrière (1707-1747) : Sonate n° 10 en sol majeur pour deux violoncelles ; Wolfgang Amadeus Mozart ( 1756-1791) : Quintette en mi bémol majeur KV. 452 ; Amy Beach (1867-1944) Thème et variation pour flûte et quatuor à cordes ; Louis Spohr (1784-1859) : Nonette en fa majeur Op. 31; Quatuor Mona : Verena Chen, Roxana Rastegar, violons ; Ariana Smith, alto ; Caroline Sypniewski, violoncelle ; Emmanuel Pahud, flûte ; François Meyer, hautbois ; Paul Meyer, clarinette ; Gilbert Audin, basson ; Jimmy Charitas, cor ; Karen Gomyo, violon ; Joachim Riquelme Garcia, alto ; Claudio Bohorquez, Aurélien Pascal, violoncelles ; Olivier Thiery, contrebasse ; Théo Fouchenneret, Piano.