Descendus en flammes par la presse ciné lors de leur sortie, certains grands films du cinéma de genre ont par la suite été réhabilités par le petit milieu des commentateurs du 7e art. Preuve que le label « cinéma populaire », posé dès qu’un film s’affranchit de toute posture intello, suffit à disqualifier par anticipation un pan du cinéma qui mérite pourtant notre attention. Florilèges de films de genre ayant essuyé de nombreuses critiques négatives, avant d’être portés aux nues par ces mêmes critiques.
La critique est-elle fâchée avec le cinéma populaire ? A lire les articles de presse, souvent assassins, évaluant les plus gros succès du box-office, on peut être tenté de le croire. C’est d’ailleurs si vrai que les Oscars, dont le palmarès est en général aligné sur le succès critique des films, viennent de se doter d’une catégorie du « film populaire » pour intégrer ces blockbusters, trop souvent écartés jusqu’à présent. Même chose pour les César, décernant depuis 2018 un « prix du public ». Premier récompensé : Dany Boon et son Raid Dingue, éreinté par la presse ciné dite « sérieuse ».
Alien, « fantaisie puérile »
Si tous les films grand public ne sont évidemment pas bons, tous ne sont pas mécaniquement mauvais non plus. L’histoire récente du cinéma fournit de nombreux exemples de films dont la réception critique a d’abord été fraiche, avant de devenir élogieuse. Ainsi d’Alien, chef d’œuvre de la science-fiction signé Ridley Scott, ayant au mieux inspiré la snobe indifférence de la presse lors de sa sortie, au pire son franc mépris.
A l’occasion des 40 ans de la sortie de ce monument de la pop culture, Le Monde, amusé, compile un certain nombre de critiques fustigeant ce « film d’épouvante à l’ancienne, centré sur un machin qui n’est pas intrinsèquement mauvais mais prompt à vous sauter dessus quand [espère le film] vous vous y attendez le moins. » (New York Times) A l’époque, Le Nouvel Observateur voit dans cette « fantaisie puérile » « un produit aseptisé » dont le monstre « se comporte en vieil habitué du Grand-Guignol et du Train fantôme, dans le plus pur style “ouh fais-moi peur ! ». Des commentaires qui font sourire, quand on sait le succès d’estime qui auréole désormais cet opus, d’une virtuosité technique et d’une profondeur métaphysique incomparables.
Paranormal Investigation, la critique à côté de ses pompes ?
Troisième long-métrage de Franck Phélizon, Paranormal Investigation connaitra-t-il le même parcours ? Toutes proportions gardées, ce film, se réclamant du found footage, a essuyé les mêmes réactions mitigées de la presse, avant de connaitre, lui aussi, un retour en grâce. Histoire de chasse aux fantômes servie par un casting rafraichissant et un montage au cordeau, Paranormal Investigation, s’il emballe le public, le film ayant trusté de nombreuses semaines le sommet du classement des films Netflix les plus vus, ne séduit pas d’emblée la critique.
Francis Barbier, officiant pour le blog DevilDead et par ailleurs directeur de la relation clients chez le distributeur UGC (mélange des genres surprenant) estime ainsi que le film « tente de prendre (…) le wagon surnaturel Youtube en cours de route, mais manque le marchepied pour rester à quai », l’ensemble manquant « de naturel et de punch ». Au vitriol, la chronique de Barbier empile les mauvais points avec une satisfaction palpable. La suite ne donnera pourtant pas raison à cette première réception critique. Le site féminin Métropolitaine s’enthousiasme pour Paranormal investigation, notant que le film joue « volontairement avec les codes du documentaire (…) une recette efficace pour faire monter l’adrénaline« . Le très select site d’information sur l’Art, Art critique, relève quant à lui que le film « renouvelle magistralement » le found footage, raison pour laquelle « l’immersion est immédiate et l’effroi total« .
Le projet Blair Witch et Paranormal Activity
Paranormal Investigation n’est pas le premier film de found footage à susciter le mépris de facto d’une certaine intelligentsia. Avant lui, ses illustres prédécesseurs Blair Witch et Paranormal Activity s’étaient déjà adonnés à cet exercice de style et avaient reçu les mêmes critiques assassines à leur sortie. De Paranormal Activity, on a dit à l’époque qu’il possédait « l’équivalent fictionnel bidon d’un documentaire à sensation comme on peut en trouver un paquet sur la chaîne National Geographic« . Le (cultissime) Projet Blair Witch fut également égratigné par la presse « savante », considérant le film comme du « pseudo-cinéma vérité » qui offre « une décourageante impression de simulacre et d’artifice« …
Pour une certaine presse, snob et parisienne, ce qui est aimé par le plus grand nombre est a priori « vulgaire ». Ne lui en déplaise, le cinéma d’épouvante, remarquable par sa capacité à se renouveler sans cesse en incorporant notamment les nouvelles technologies (caméscope, smartphone etc.), devrait avoir encore de beaux jours devant lui.
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