Le noir. Le noir par excellence. L’œuvre la plus noire de Shakespeare, et aussi de Verdi : Macbeth. Le mardi 16 avril 2019 à 19h30, au cinéma CGR Blagnac.
Plein de bruit et de fureur, de désir et de violence, de solitude et de mort, le rouge et le noir, le rouge du sang et le noir des cœurs et des âmes, telle est l’œuvre qui vous attend, tel est l’opéra Macbeth de Giuseppe Verdi. Ce fut un coup d’audace, ce fut dès 1847, un coup de maître. Vous vous devez d’être au rendez-vous de cette coproduction enregistrée à la Staatsoper de Berlin en juin 2018, et dont le clou est le tandem Netrebko-Domingo, surprenant à divers titres.
L’opéra en quatre actes fut d’abord créé à Florence en 1847. Inutile de rappeler dans le détail la gestation du livret, conçu par Verdi lui-même en prose puis confié à Piave pour le versifier, puis corrigé par le poète Maffei. « Concision et sublimité », telle était la consigne du natif de Busseto. Tout en restant au plus près de son écrivain adoré qu’il connaissait parfaitement, William Shakespeare. Pour ses ouvrages écrits avant 1848, Macbeth était le préféré du compositeur.
Côté musique, dans la fosse, ce sont bien les musiciens de la Staatskapelle de Berlin placés sous la direction de Daniel Barenboïm, chef qu’il paraîtrait incongru de présenter, capable ici encore de révéler des couleurs inouïes dans une partition triturée dans tous les sens par des baguettes parmi les plus aguerries ou non conventionnelles. Pour les chœurs, comme celui des Ecossais, pas de soucis non plus avec les membres du Staatsoperchor.
La mise en scène est confiée à Harry Kupfer. Ce metteur en scène, que l’on peut qualifier de sulfureux, ne donne pas dans le traditionnel et nous révèlera sûrement quelques trouvailles, aidé en cela, pour les décors par Hans Schavernoch, pour les costumes par Yan Tax, sans oublier les incontournables lumières ici de Olaf Freese. Des vidéos extrêmement présentes de Thomas Reimer, et une chorégraphie indispensable d’Helga Schiele et toute une dramaturgie de Detlef Giese. Un spectacle complet dans lequel le théâtre aura sa très grande part.
Pour Macbeth, le général de Duncan, roi d’Ecosse, c’est oh ! surprise, notre immense ténor Placido Domingo qui, personne ne peut l’ignorer, ayant chanté pratiquement tous les rôles de ténors, profite d’un certain assombrissement de son timbre de voix et d’une perte d’émissions dans le haut du registre pour aborder des rôles de…baryton. On ne peut que reconnaître que certains lui réussissent. Ici, c’est surtout son art de la scène qui fait toute sa crédibilité et on reste coi devant la performance.
Pour l’autre général du roi Duncan, la basse Kwangchul Youn chante Banco. Macduff est un noble écossais chanté par le ténor Fabio Sartori tandis que Malcolm, le fils du roi Duncan assassiné est chanté par un autre ténor Florian Hoffmann. Leur prestation est d’un niveau honorable.
Il nous reste le morceau de choix avec Lady Macbeth, LE RÔLE. Verdi va élaborer un personnage hors normes, à mille lieues de la chanteuse suggérée au départ pour la création en 1847, la grande Tadolini dont il dira : « Cela paraît absurde, mais la Tadolini est une femme remarquable avec un beau visage, et je désire une Lady Macbeth laide et monstrueuse. La Tadolini chante à la perfection et je voudrais que Lady Macbeth ne chante absolument pas. La Tadolini a une voix superbe, éclatante, claire et puissante, et je voudrais avoir pour Lady Macbeth une voix rauque, étouffée, caverneuse. » Finalement, la créatrice du rôle sera La Barbieri-Nini de prénom Marianna. Celle-ci raconte le cauchemar de ses répétitions : « Vous aurez peine à le croire, mais la scène du somnambulisme me conduisit à trois mois d’étude : pendant trois mois, matin et soir, je cherchai à imiter ceux qui parlent en dormant, qui articulent des mots (comme me disait Verdi) presque sans remuer les lèvres et en laissant immobiles les autres parties du visage, y compris les yeux. Ce fut à devenir folle. »
Vous l’aurez compris, il ne faut pas une Tadolini ! mais on n’est pas obligé d’aller chercher la plus disgracieuse des sopranos dramatiques pour satisfaire ce cher Giuseppe. On peut retenir une chanteuse qui a ce qu’on a coutume d’appeler un port, qui “a du chien“, un visage capable de refléter moult sentiments, et une voix, loin d’être laide ! mais que l’intéressée peut enlaidir si nécessaire. Il vaut mieux dans ce sens. Donc, c’est Anna Netrebko qui a la lourde charge de mettre en relief le caractère irrationnel, démoniaque et inhumain de sa Lady. Elle devra “coller“ au mieux au souhait de Verdi qui souhaitait “un opéra presqu’entièrement déclamé“ tout en lui écrivant dans la scène du banquet, le redoutable Brindisi, dans lequel il réclame à une coloratura drammatico spinto les agilités d’une “donizettienne“. Sans oublier, dans “Una macchia è qui tuttora“, un chant, dépouillé de tout effet, privilégiant une ligne mélodique à mi-chemin entre lied et déclamation. Chanter avec la plus grande simplicité et une voix sombre…Quant au râle de la mort, une plainte du cor anglais fera fort bien l’affaire et de façon plus poétique. Variété des couleurs sombres, noirceur des imprécations, agilité stupéfiante, toutes ces qualités sont demandées et, peu habituelles chez une soprano telle que LA Netrebko qui, paradoxalement, devra tout faire pour s’enlaidir ! chanter à l’inaccoutumée ! une performance ! et si toute la noirceur n’est pas au rendez-vous, on compensera pour notre propre satisfaction avec quelques aigus sublimes que lui réserve tout de même la partition !
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Cinéma CGR Blagnac
Macbeth • Giuseppe Verdi
Mardi 16 avril 2019 à 19h30