La saison toulousaine des Grands Interprètes accueille à la Halle aux Grains le chef Giovanni Antonini et son ensemble Il Giardino Armonico, avec la violoniste Isabelle Faust, pour un programme dédié au répertoire classique associant des symphonies de Haydn à des concertos de Mozart.
La saison des Grands Interprètes se poursuit à Toulouse avec le retour du chef d’orchestre Giovanni Antonini et de son ensemble Il Giardino Armonico (photo). Fondé en 1985, cet orchestre italien était alors l’un des premiers à jouer sur instruments d’époque dans son pays – une pratique pourtant déjà répandue en Europe. Il Giardino Armonico s’est consacré durant de longues années à l’enregistrement des œuvres d’Antonio Vivaldi, leur interprétation des « Quatre saisons » faisant encore référence. L’ensemble a aussi gravé les six Concertos brandebourgeois de Johann Sebastian Bach ou encore les douze Concertos grossos de Georg Friedrich Haendel. Après le répertoire baroque, il s’est ensuite lancé à la conquête de la période classique, avec notamment un enregistrement récent de concertos de Wolfgang Amadeus Mozart avec Isabelle Faust (photo). La violoniste allemande les accompagnera donc à la Halle aux Grains pour interpréter des œuvres de jeunesse du compositeur (Concertos n° 1 & n° 5).
«L’approche d’Il Giardino Armonico est une approche très visuelle de la musique. Je pense la musique à travers des images, très souvent des images abstraites… Quand je joue, j’atteins mon objectif lorsque je parviens à me représenter des images. C’est un peu comme une drogue, en plus sain», assure Giovanni Antonini. Flûtiste de formation, celui-ci propose d’entendre à Toulouse deux symphonies de Joseph Haydn. Le chef milanais vient en effet de se lancer dans l’enregistrement de l’intégrale des 107 symphonies du compositeur viennois, en vue du 300e anniversaire de sa naissance qui sera célébré en 2032. Ce projet est partagé entre Il Giardino Armonico et l’Orchestre de chambre de Bâle, phalange qu’il dirige assidûment et avec laquelle il a déjà gravé toutes les symphonies de Ludwig van Beethoven – symphonies qu’il a d’ailleurs dirigées à la Halle aux Grains avec l’Orchestre national du Capitole de Toulouse.
À propos de ses choix d’interprétation, Giovanni Antonini prévient : «Une grande partie de ce qui était joué dans le passé ne figure pas dans la partition. En réalité, seule une partie de ce qu’on jouait vraiment était notée. Quand elle a été composée, cette musique était contemporaine, alors il n’y avait pas besoin de spécifier les nuances, ni la place des accents requis. Bien sûr, les musiciens avaient besoin d’une partition, mais ils avaient instinctivement conscience de beaucoup de chose, et une entente générale prévalait entre eux. À cet égard, il a un “code Haydn” – une clé pour comprendre la logique derrière sa musique. Je ne peux savoir si mon interprétation est correcte, car le code peut être appliqué de différentes manières. Je ne prétends pas avoir découvert la seule manière de jouer Haydn. Mais je suis bien décidé à redonner à cette musique son éclat d’origine – et j’espère que le public actuel est sensible à mes efforts.»
Selon Giovanni Antonini, «certains enregistrements modernes font paraître Haydn terne, parce que les musiciens abordent la musique avec des notions préconçues issues de périodes ultérieures. Mais cela ne va pas – en réalité la musique de Haydn n’a rien d’ennuyeux ! Il est du reste impossible d’écouter la musique ancienne sans préjugés. Lorsqu’on a déjà Stravinsky et le rock dans les oreilles, il devient difficile de comprendre l’esthétique d’une autre époque. Je ne sais pas si Haydn faisais jouer sa musique comme je la joue ; sans doute que non. Mais une démarche conscient, lorsqu’on aborde la musique du passé, suppose qu’on ajoute une bonne dose de sa propre créativité, ce qui à cette époque était tout à fait naturel», termine le maestro.
Giovanni Antonini (photo) a choisi de diriger à Toulouse la Symphonie n° 47, écrite comme la 46e au cours de l’année du quarantième anniversaire de Joseph Haydn. Le compositeur était alors maître de chapelle à la cour du prince Nicolas 1er Esterházy, héritier de la plus riche aristocratie hongroise. Avec la Symphonie n° 44 dite «Funèbre», la Symphonie n° 45 dite «Les Adieux», et les quatuors à cordes dits «du soleil», ces pages sont considérées comme le premier sommet de son œuvre. Elles constituent en effet l’aboutissement de plusieurs années de recherches et d’expérimentations dans le domaine de la symphonie, genre musical alors en pleine mutation formelle. En effet, «d’après la définition du début du XVIIIe siècle, une sinfonia est une pièce de six minutes utilisée pour introduire quelque chose – et c’est tout», précise Giovanni Antonini. La Symphonie n° 47 est parfois surnommée «palindrome» en raison de son mouvement de danse – le troisième des quatre qu’elle comporte – au cours duquel les dix mesures du menuet puis les douze mesures du trio sont répétées al roverso, c’est-à-dire dans l’ordre inverse de leur première exécution !
Ce concert met également au programme la Symphonie n° 49, « La Passione », œuvre d’une grande expressivité annonçant les prémices du romantisme et rattachée au mouvement «Sturm und Drang» (orage et passion). Empreinte d’une couleur sombre, elle est en quatre mouvements et débute par un adagio, se poursuit par un allegro di molto suivi d’un menuet et d’un trio, avant le presto final. Giovanni Antonini confesse avoir «un lien très personnel avec « La Passione », parce que je l’ai souvent jouée et que je la connais très bien. C’est une œuvre dont je suis toujours proche. Dans « La Passione », on voit comment Haydn a changé la fonction de la symphonie. Il en fait de plus en plus une forme musicale autonome, avec une touche dramatique pleine d’ironie. Quand on entend le joyeux andante de la Symphonie n° 39, on a l’impression qu’il n’a rien à voir avec le reste de la symphonie. C’est typique de Haydn. Haydn fut incompris de certains critiques. Ils ne voyaient pas pourquoi, juste après avoir campé sur une ambiance délicate, il l’anéantissait soudain dans un grand sourire. La plaisanterie leur échappait. La passion a besoin de règles. Une partie de soi doit rester froide et toujours garder la maîtrise, sinon c’est le chaos. Il est vrai qu’il y a beaucoup de liberté dans Haydn, mais uniquement dans un cadre fixé. Le finit de la Symphonie n° 49, « La Passione », témoigne à la fois d’une forme parfaite et, surtout, d’une fervente passion. J’aime beaucoup !», s’exclame le maestro italien dans le livret qui accompagne l’enregistrement de ces pages.
Jérôme Gac
Concertos n° 1 & 5 de W. A. Mozart
par I. Faust (violon),
Symphonies n° 47 & 49 « La Passione »
de J. Haydn par Il Giardino Armonico
et G. Antonini (dir.), vendredi 20 octobre,
20h00, à la Halle aux Grains,
place Dupuy, Toulouse.
Tél. : 05 61 21 09 00.
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photos :
Il Giardino Armonico © Łukasz Rajchert
G. Antonini © Marco Borggreve