A l’occasion de la deuxième édition du festival Rose Béton qui met en avant les pratiques et les cultures urbaines, le Musée des Abattoirs accueille depuis le 15 juin et jusqu’au 28 août, l’exposition Epoxy, qui offre un véritable éclairage sur le graffiti.
Cinq artistes impliqués dans le graffiti mondial, dès ses origines, présentent pour l’occasion des œuvres singulières et étonnantes, hors de leur champ de prédilection : la rue. Futura, Mist, Craig Costello, Tilt et Boris Tellegen ont donc investi le Musée d’Art moderne et contemporain des Abattoirs, pour témoigner de l’influence du graffiti, sur leurs créations artistiques et l’évolution de leur travail, plusieurs décennies après la naissance de cet art de rue.
Ses origines demeurent confuses. Il s’agit de la plus ancienne forme d’art public illégal, qui semble prendre racine ou du moins connaître une ascension considérable dans les années 1970 à New-York, à côté des cultures Hip-Hop. Si la transgression et la performance prédominent au départ, le graffiti semble faire une place de plus en plus importante à la dimension plastique et esthétique. Et, c’est dans cette perspective que s’inscrit Epoxy. La guerre menée par un art revendicateur et contestataire contre l’art traditionnel semble aujourd’hui s’apaiser. Elle laisse donc place à une reconnaissance justifiée du graffiti dans les galeries d’art et les musées. Focus sur ces cinq « street » artistes pionniers du genre, présents pour l’exposition.
Epoxy, du 15 juin au 28 août 2016 aux Abattoirs
Pour commencer, l’artiste new-yorkais Craig Costello aka KR, s’empare d’une des pièces de l’exposition. Adolescent, il assiste à l’expansion du graffiti dans les années 80 et après des études d’histoire de l’art et d’art plastique, il décide de créer sa propre encre baptisée Krink, devenue aujourd’hui incontournable. Le travail de KR se caractérise par l’utilisation d’extincteur provoquant la coulure de la peinture, ainsi projetée sur le mur. Ses coulures s’inscrivant nettement dans l’art abstrait, l’artiste se joue de l’architecture et de la configuration des murs afin que le spectateur considère l’espace autrement.
Boris Tellegen débute le graffiti sous le blason Delta. Du lettrage à la sculpture, il n’y a qu’un pas ! L’artiste s’attache alors à l’univers de la construction et du fractionnement : de l’art de rue aux intérieurs clos des galeries. Boris Tellegen aspire à transcender les murs. Ses compositions au premier abord unidimensionnelles, révèlent finalement d’improbables reliefs géométriques. Comme une impression que les matériaux voudraient dans tous les sens, s’échapper de l’œuvre… Plusieurs de ses oeuvres sont d’ailleurs visibles aux Abattoirs.
Riche de ses voyages dans plus de quarante pays, au cours desquels il a évidemment laissé des graffs sur son passage, l’artiste toulousain Tilt a un rapport intense à la liberté. Selon lui, sa passion pour le graffiti lui a permis de débuter une vie alternative, voulue. Il se revendique d’un graffiti classique, non subversif mais attaché à une histoire : la sienne. Tilt est un représentant majeur du « Throw up » et du lettrage arrondi. Epris de liberté, il met un point d’honneur à ne jamais délaisser la rue pour les galeries et musées.
Mist est lui aussi un pionnier du « street art ». Usant de couleurs intenses et de traits dynamiques, il est un fervent représentant du « Wild Style » ou lettres entremêlées. Il se consacre aussi au travail de sculpture notamment de « jouets d’artistes », sans pour autant délaisser le pinceau. Mist sait donc parfaitement lier art urbain et art contemporain.
Enfin, Futura ou Futura 2000 occupe une place de choix pour cette exposition puisque son œuvre est installée sur le parvis du Musée. L’artiste aux multiples facettes à la fois graffeur, illustrateur, photographe mais aussi concepteur de mode, qui a notamment exposé aux côtés d’Andy Warhol ou Jean-Michel Basquiat retrouve son support de prédilection pour Epoxy : le wagon.
L’art urbain et l’art contemporain, deux disciplines a priori distinctes savent somme toute bien se conjuguer. Ces cinq figures marquantes des cultures urbaines, réunies pour l’exposition, en sont d’ailleurs une véritable démonstration.
Marjorie Lafon