C’est pour le vendredi 19 février à la Halle, à 20h.
Invité à plusieurs reprises lors des saisons d’opéra du Théâtre du Capitole (Elektra en 2010, Tannhaüser en 2012 et Daphné en 2014), le chef allemand Hartmut Haenchen dirigera pour la première fois l’Orchestre National du Capitole lors d’un concert symphonique à la Halle aux grains. Nul doute que sa connaissance du répertoire germanique, qui est aujourd’hui sans équivalent, révélera toute la grandeur de cette œuvre titanesque, la Symphonie alpestre de Richard Strauss (1864-1949). Vaste ode à l’orchestre, de presque 50 minutes, ses proportions démesurées reflètent les montagnes bavaroises si souvent contemplées par le compositeur allemand. C’est un hommage grandiose à la beauté de la nature. L’effectif orchestral est plutôt impressionnant !! (voir en fin d’article).
En première partie, une œuvre rare de Martinu, Mémorial pour Lidice, suivi du Concerto funèbre pour violon de Karl Amadeus Hartmann (1905-1963), qui résonne douloureusement avec l’histoire de l’Europe. Son interprétation sera confiée à Isabelle van Keulen.
Hartmut Haenchen direction
Isabelle van Keulen violon Invit. pour la 1re fois
MARTINŮ Mémorial pour Lidice
HARTMANN Concerto funèbre pour violon
STRAUSS Symphonie alpestre
Quelques mots sur Richard Strauss
Contemporain de Johannes Brahms et de Richard Wagner, mais aussi de Pierre Boulez et d’Olivier Messiaen, Richard Strauss a réussi le prodige, d’échapper à l’Histoire de la musique comme des peuples, d’abolir le temps, et de composer jusqu’à sa mort, sur plus de soixante-dix ans ! Virtuose, chef d’orchestre né, tour à tour aussi charmeur que désagréable, voire provocant, ambitieux, opportuniste, égoïste, dernier flambeau de la tradition romantique, il n’a jamais cessé de composer une musique foisonnante aussi riche des acquis du siècle passé que détaché des contingences de son époque. A la limite donc, révolutionnaire ? En tout cas universelle puisque régulièrement au programme de toutes les salles de concert et d’art lyrique aux quatre coins de la planète.
Richard Strauss, seul sur son si long chemin
Richard Strauss est né à Munich, capitale de la Bavière, le 11 juin 1864, tandis que Louis II est proclamé roi. Fils d’un musicien de l’orchestre de la Cour, corniste réputé et surnommé « le Joachim du cor », il grandit dans une ambiance artistique et, dénuée de tout souci matériel, sa mère étant une fille des Brasseries Pschorr.
Exceptionnellement doué, l’enfant commence dès l’âge de quatre ans à jouer du piano, esquisse ses premières compositions à six ans, à dix, va pour le violon. Ses premières œuvres sont jouées en public alors qu’il est encore simple adolescent ; elles entrent même au répertoire de chefs aussi réputés que Hermann Leir ou Hans von Bülow. Sa Symphonie op. 12 est même créée à New-York ; il n’a que vingt ans. Chef d’orchestre né, en 1885, un an plus tard, le jeune musicien prend la relève de Bülow à la tête de l’orchestre de Meinigen avant d’être nommé directeur du répertoire à l’Opéra de Munich, second chef d’orchestre de l’Opéra de Weimar en 1889, et premier chef d’orchestre à Munich en 1894, puis à Berlin.
Le voyage qu’il fait en Italie lui inspire Aus italien (1886) non point poème mais « fantaisie symphonique ». C’est le début d’un itinéraire orchestral jalonné par les poèmes symphoniques Macbeth (1886), Don Juan (1888) au succès immédiat, version romantique et panthéiste du héros de Lenau, Mort et Transfiguration (1889). En 1894, il dirige la création de son premier opéra à Weimar : Guntram, op. 25. Toutefois le mauvais accueil que reçoit son ouvrage à Munich un an après lui fit temporairement abandonner l’opéra et reprendre une seconde série de poèmes symphoniques avec Till l’espiègle (1895), Ainsi parlait Zarathoustra, « librement composé d’après Nietzche » (1896), Don Quichotte (1897) aux mille virtuosités orchestrales, et Une vie de héros (1898), un triomphe dès la première audition.
Toutefois, l’intérêt de Strauss pour l’opéra ne tarde pas à refaire surface. Le succès que remporte Feuersnot en 1901 l’incite à persévérer dans cette voie. C’est Salomé en 1905, ce « Scherzo aux conséquences fatales » qui adoube maître du genre le compositeur. Suivra une série de grands ouvrages lyriques à l’accueil pour la plupart triomphal – Elektra, Le Chevalier à la Rose, La Femme sans ombre, …
Parallèlement, le compositeur mène une intense carrière de chef d’orchestre tout en ne délaissant pas pour autant le grand répertoire symphonique, à qui il offre encore deux opus importants : sa Symphonia domestica (1903) et Symphonie alpestre (1915). Sans oublier, la suite d’orchestre, Le Bourgeois Gentilhomme (1920), la Suite de danses d’après Couperin, pour petit orchestre (1923).
Dans les dernières années de sa vie, Richard Strauss écrit à nouveau des pages magnifiques pour l’orchestre : deux concertos, l’un pour cor, l’autre pour hautbois, et ses fameuses Métamorphoses pour instruments à cordes solistes. Enfin, ses adieux au monde et à la musique sont une splendide fin de journée. Il lègue à la mélodie son sublime chef d’œuvre Vier letzte Lieder (Quatre derniers Lieder), en 1948. L’œuvre s’achève par une question « Ist dies etwa der Tod ? ». D’aucuns en ont conclu : « on n’y entend pas l’homme qui a appris à mourir, mais celui dont la vie fut plénitude, et qui dit sa gratitude. »
Il meurt à Munich le 9 septembre 1949, à l’âge de 85 ans.
Sur la Symphonie alpestre
Le plan s’articule sur une journée de randonnée en montagne : de l’aube à la nuit, chaque étape de l’ascension nous est commentée musicalement. La première eut lieu le 28 octobre 1915 à la Philharmonie de Berlin. Le compositeur dirige l’orchestre de la Hofkapelle de Dresde à qui l’œuvre est dédié. Il a aussi scrupuleusement annoté sa partition en vingt-deux endroits qui précisent les étapes du randonneur.
– Nuit
– Lever du soleil
– Montée
– Entrée dans la forêt
– Promenade près du ruisseau
– A la cascade
– Apparition
– Dans les prairies en fleurs
– Aux alpages
– Errance à travers taillis et broussailles
– Sur le glacier
– Moments pleins de périls
– Au sommet
– Vision
– Montée du brouillard
– Le soleil s’assombrit
– Elégie
– Calme avant la tempête
– Orage et tempête : munissez vous de bouchons !! Le hard-rock est enfoncé
– Descente
– Coucher du soleil
– Paix, nuit.
On remarque parmi les vents, un « heckelphone », sorte de hautbois baryton, et aux percussions, ils seront trois au tam-tam, et aux cloches à vache. Il faut des appareils à bruitage comme l’éoliphone, la machine à tonnerre. L’orgue intervient à plusieurs reprises.
C’est un vrai cours pour instruments !! clarinette basse, contrebasson, 6 tubas dont 2 tubas basses, 2 harpes, un célesta, 12 cors si possible ! On peut monter jusqu’à 137 exécutants, mais encore faut-il qu’ils soient disponibles et que le plateau soit suffisant. Ceci dit, il est des passages d’une indicible douceur entrecoupé de moments apocalyptiques, mais on connaît dans d’autres œuvres, et on ne peut être surpris.
Il ne reste plus qu’à adhérer à la description musicale que nous offre Richard Strauss de sa balade en montagne. Et s’incliner devant une telle partition.
Michel Grialou
Orchestre National de Toulouse
vendredi 19 février 2016 à 20h00
Halle aux Grains