C’est ce qui arrive à Elise, à peine a – t – elle croisé Didier. Elle l’a même sur la peau, car à chaque histoire d’amour que la demoiselle entame, elle tatoue quelque part sur son corps le nom de son amoureux du moment. Didier n’échappe pas à la règle et découvre son nom au creux de la hanche d’Elise.
Mais pour une fois, il est possible que l’histoire d’amour naissante ne soit pas si éphémère, chacun invitant l’autre à pénétrer dans son monde (du tatouage pour elle, de la musique bluegrass pour lui). Didier va refuser de se faire encrer l’épiderme mais va faire découvrir son univers musical à Elise, écrire des chansons et la faire devenir chanteuse de son groupe.
Et puis, sans crier gare, Elise va tomber enceinte. Didier va avoir un moment de recul, mais va finalement recevoir ce cadeau qui n’arrive pas vraiment à point nommé et adorer Maybelle (ainsi nommée en hommage à une chanteuse). Maybelle va tomber malade. Didier et Elise vont alors commencer à mesurer combien leurs visions respectives du monde les opposent.
Les enfants, sortez les mouchoirs, vous entrez en territoire » Drame » sur fond de Belgique américaine, où le ciel est gris, les peupliers en ligne et l’accent rugueux (la langue flamande, c’est beau comme une tempête en Mer du Nord).
Felix Van Groeningen adapte la pièce de théâtre de ses compatriotes Johan Heldenbergh (le Didier du film) et Mieke Dobbels. Déjà auteur du long – métrage La merditude des choses (un titre savoureux, parfois les traducteurs ont vraiment du talent), il reste dans son pays natal pour camper cette histoire où la musique a une place prépondérante (elle permet de dire bien plus qu’on ne pourrait le faire soi – même), le corps est orné (et raconte lui aussi bien des choses), les épreuves rendent les hommes injustes, sourds à toute douleur qui n’est pas la leur et où l’amour, petit à petit, se délite.
Felix Van Groeningen réalise un film sensible, tant sur le fond que dans la forme (mention spéciale à la photo, très belle) où le montage (flash – backeux, sinueux parfois même brouillardeux) apporte une réelle valeur.
Les morceaux sont excellents, The Broken Circle Breakdown Bluegrass Band connaît d’ailleurs depuis la sortie du film un succès considérable dans le plat pays (la bande originale du film se vendant plus que celle de Titanic, c’est vous dire !). Je vous mets d’ailleurs un petit extrait par là, si ça ne vous hérisse pas les poils des bras, vous êtes littéralement tout sec à l’intérieur …
Johan Heldenbergh (qui, pour l’occasion, a appris à jouer de toute une flopée d’instruments) et Veerle Baetens interprètent eux – mêmes leurs chansons. En dehors de cette performance, ils habitent intensément leurs personnages, magnifiés qu’ils sont par la caméra de Van Groeningen. Je soupçonne même le réalisateur d’être un peu tombé amoureux de son interprète féminine (mais quand on la voit, on lui pardonne).
Alabama Monroe, c’est une histoire d’amour comme il y en des centaines mais c’est aussi un peu plus que ça. C’est de la musique qui vibre, des gens qui se battent, des convictions qui séparent, des vies qui s’arrêtent brutalement, de la colère, une profonde tristesse et beaucoup de délicatesse.
En vous remerciant.