« Les saveurs du palais », un film de Christian Vincent
11h du matin, coup de fil dans la cuisine privée du Président de la République française : « Le Président reçoit à déjeuner cinq invités. Service à 13h15. Merci ». Dans ce lieu qu’habita Danièle Delpeuch, celle-là même qui inspire de manière très romancée la trame de ce film, c’est Top chef tous les jours. En un peu plus de deux heures elle devait concocter entrée, plat et dessert pour des personnes qu’elle ne verrait jamais. Le Président mis à part. Au bout de deux ans, Danièle Delpeuch quittait l’Elysée pour faire une carrière internationale. A l’écran elle est incarnée par une Catherine Frot droite dans ses bottes, peut-être un peu trop d’ailleurs. Le montage nous la montre tout d’abord en Antarctique (c’est authentique). Dans ce lieu inimaginable, elle vient de tenir pendant un an la cantine d’une base, juste après avoir quitté le 55 du Faubourg Saint Honoré. Elle prépare son dernier repas, de fête bien sûr, au milieu de tous ces braves gars qui vivent et travaillent dans des conditions souvent limite. Mais dans sa tête défilent les souvenirs de ce temps passé dans les coulisses du pouvoir. Ces flash-backs émaillent le film en autant de séquences bien sûr savoureuses. Depuis l’arrivée en trombe d’une berline officielle dans son Périgord natal jusqu’à sa lettre de démission pour impossibilité d’accomplir sa mission telle qu’elle le souhaite, c’est tout un pan assez méconnu à vrai dire du fonctionnement du palais présidentiel qui nous est dévoilé. Avec ses hauts et le reste… Ses hauts c’est pour la cuisinière la possibilité de faire une cuisine telle qu’elle et le Président l’aiment. Une cuisine du terroir avec les meilleurs produits made in France qui se puissent trouver. Le reste, c’est l’affrontement avec la cuisine centrale de l’Elysée nourrissant « le vulgaire », c’est la jalousie et la fourberie de tous ces hommes voyant une femme faire la cuisine pour le Président. Que règnent encore dans les cuisines des relents d’esclavagisme et de machisme n’étonne plus personne, que les « toqué(e)s » fassent partie des derniers tyrans domestiques de notre civilisation, non plus. Si vous ajoutez à cela les intrigues, voire les révolutions du Palais, l’intrusion dans les menus, pour des motifs plus ou moins légitimes, de restrictions budgétaires, l’irruption du médical dans les recettes, et j’en passe, et vous avez largement de quoi comprendre pourquoi la dite cuisinière rendra son tablier. Si Jean d’Ormesson (Le Président) ne laissera pas une trace indélébile dans l’histoire du 7ème art, par contre, aux côtés de Catherine Frot, et dans le rôle de son second, le jeune Arthur Dupont fait plus qu’exister et prouve encore une fois que, même dans un rôle secondaire, on peut compter sur lui pour donner une âme à un personnage.
Robert Pénavayre