Exposition du 11 mai au 8 juin 2011
Médiathèque de Tournefeuille
Odile Mir est imprégnée du tragique de la condition humaine.
Les grands mythes de l’humanité résonnent en elle, les plus archaïques, ceux qui ont conscience du temps qui fuit. Mais avec ses mains, son œil aiguisé, elle aura modelé l’espace, l’aura mis à notre portée. Elle aura fait sa ponction d’éternité dans les flots du temps. Elle aura niché ses émotions dans le plein du vide. Ses sculptures sont sa part des anges et elles prennent chair plus loin que nos dimensions.
Chair et mémoire. Violence ou incantation. Tout petit format ou grand format. Contre la barbarie du monde qui toujours grandit, elle croit toujours à l’écriture, à l’humanité des œuvres d’art. À la permanence de la vie malgré tout.
« Je suis un artisan, c’est tout. Je ne fais qu’un façonnage ancestral ». Que ce soit dans les labyrinthes de ses livres objets, boîtes à mystères qui résonnent de la musique des lettres imprimées ou dans la gigantesque nef solaire captant tous les vents sidéraux, la même approche sobre et humble s’opère. Elle travaille la matière de front, lui fait rendre gorge et profondeur.
Il est temps, grand temps de savoir que dans notre région vit une femme sculpteur de la grandeur d’une Germaine Richier. Une immense artiste qui depuis plus de cinquante ans crée, puissante, parfois cassante car extrêmement exigeante, mais sachant qu’elle a réalisé une œuvre et quelle œuvre! Une œuvre debout, comme elle.
« Je sais pourtant avec le recul de mon âge que j’ai réalisé une œuvre. Elle est là, elle m’entoure. Je sais que j’ai un œil juste, que je sais utiliser et comprendre l’espace, agencer le vide et le plein. » L’espace est bien à portée de main, de ses mains.
Dans cette nouvelle exposition elle revisite le mythe d’Hélène de Troie, icône de la beauté conduisant à la guerre. Elle retrouve ainsi son parcours dans la destinée de l’humanité, belle et tragique à la fois.
Elle sait que la statue existe quand elle se met « debout toute seule » et les différentes figurations d’Hélène, mais aussi de la guerre de Troie sous-jacente, viennent vers nous. Ce ne sont pas des visages, car Odile Mir refuse de les montrer, mais des symboles encore plus réels que le réel.
Encore une fois la ville de Tournefeuille offre à Odile Mir un espace d’exposition. Merci, mais quand donc les grands musées comprendront qu’il est temps de lui rendre enfin un juste hommage, elle l’immense artiste au sens aigu de l’espace, de l’intuition profonde de l’espace, et du mouvement, une des très grandes artistes de notre temps ? Denis Milhau, Michel Roquebert, références dans le domaine des arts plastiques, s’en désolent tous les jours !
Elle a la patience de l’éternité, elle sait qui elle est, immense mais au temps compté.
« J’ai vécu, j’ai eu des rencontres et plusieurs vies. Je sais que le temps presse, je l’ai vécu dans mon œuvre qui en porte témoignage, je le porte maintenant dans mon corps et je décompte le reste qui s’écoule encore. »
Il faut aller se précipiter à cette exposition, car cela faisait un bail que ses sculptures, surtout récentes, n’avaient pas été montrées au public. Hélène de Troie vous parlera de l’éternel féminin, et de l’éternel envie des hommes de se faire la guerre.
Gil Pressnitzer