Les exilés meurent aussi d’amour publié chez Grasset est le premier roman d’Abnousse Shalmani. Un texte dense qui raconte la pluralité de l’exil.
Quitter un pays, son pays est toujours un déchirement. Surtout quand ce pays est en guerre et que l’on doit fuir pour survivre. Mais qui dit exil, ne dit pas forcément fatalité. Shalmani dresse un portrait intime et lumineux de l’exil à travers l’histoire de la jeune Shirin. Shirin a neuf ans lorsque ses parents fuient la révolution islamique. Dès lors, l’enfance se construira entre le pays que l’on quitte et le pays qui accueille. Pour Shirin c’est aussi la découverte et la cohabitation avec une famille pas comme les autres. Celle de sa mère, le clan Hedayat. Elles sont trois sœurs, communistes et charismatiques. Tala, Zizi, et surtout Mitra, la chef de ce clan, la tante despotique et affreuse. Shirin vivra dans l’immeuble qui accueille tout ce petit monde de personnalités bouillonnantes qui n’a que le mot de révolution à la bouche. Sans oublier le patriarche, silencieux mais omniprésent, qui cache des travers bien sombres. Shirin observe et ne sait, dans un premier temps, que penser. Son père semble lui aussi mutique face au clan Hedayat, quant à sa mère, elle se plie en quatre pour satisfaire ses sœurs. Alors Shirin ressent bientôt le désir de s’enfuir, de voir le monde, de comprendre par elle-même. Et ceci sera possible grâce au beau Omid, l’amoureux de Tala, qui lui parlera d’art, lui fera visiter Paris et lui apprendra un tas de choses passionnantes.
Le temps de la reconstruction
Si l’an I de l’exil est celui des découvertes et des rencontres. Les années qui suivront seront celles de la désillusion mais aussi de la reconstruction de l’identité.
Shirin s’émancipe peu à peu du clan, de l’hypocrisie – pire, de la tyrannie exercée par les tantes – pour prendre un autre chemin, le sien. Pour cela, Shirin pourra compter sur la force, la détermination et le courage de Hannah, une rescapé de la Shoah, qui lui apprendra à se servir du rire comme arme. Shalmani veut nous montrer que l’exil se vit aussi dans le rire et dans l’espoir. L’exilé ne se définit pas que par son exil, il est un être qui vit, aime, rit, se réjouit et se révolte et crée sa propre identité. Et Shirin a bien compris cela, elle vivra sa propre révolution, celle de la conquête de la féminité et du désir. L’exil sera son pays, celui de la liberté, de l’amour, de la joie.
Un texte très bien écrit qui nous conduit de l’Iran vers la France et qui montre les ambiguïtés et les frontières floues qui esquissent l’identité des exilés.
Sylvie V.
Photo : Abnousse Shalmani © JF Paga