Pauline Delabroy-Allard publie son premier roman Ça raconte Sarah aux Editions de Minuit. Un roman bouleversant et très réussi qui raconte une passion absolue. – INTERVIEW –
Il est très audacieux pour un premier roman de se jeter dans un thème aussi sensible et délicat que l’amour ou plutôt la passion. Et bien cette audace, Pauline Delabroy-Allard l’a eu, et avec raison ! Le pari est réussi. Celui d’écrire une histoire passionnelle qui s’invente et se réinvente. Même si on y perçoit du Duras ou encore du Ernaux, il ne s’agit pas de pastiche. Rien de scolaire dans l’écriture de Pauline Delabroy-Allard, mais une écriture singulière et captivante qui nous plonge en apnée dans l’histoire de la narratrice et de Sarah.
Un soir de réveillon, la narratrice est chez des amis lorsqu’apparaît Sarah, un personnage haut en couleur. De l’intrigue à l’amitié, il n’y a qu’un pas. Puis ce sont des sentiments bien plus forts qui étreignent les deux protagonistes. Une passion naît. Dévorante et entière. Or, on connaît le sort des passions qui naissent et finissent dans la souffrance. A cela, elles n’y échapperont pas.
Pauline Delabroy-Allard met des mots justes sur un sentiment si déroutant et si dur à capter. Il n’y a pas à dire, ce texte à de la chair.
L’auteur qui sera à la librairie Ombres Blanches le 24 novembre 2018 nous parle de ce premier roman. Par ailleurs, Pauline Delabroy Allard est encore en lice pour le prix Goncourt, et c’est la seule écrivain.e à y figurer, chapeau !
Votre roman raconte le surgissement de la passion, passion d’abord enivrante puis passion dévastatrice, on le comprend dès les premières pages. Pourquoi ce thème ?
J’avais très envie de faire un pas de côté par rapport aux histoires d’amour car je distingue de manière très clair l’amour et la passion. Ce qui me tenait à coeur, c’était de décrire la passion amoureuse, véritablement, dans tout ce qu’elle peut avoir de contradictoire et d’ambivalent, de magie blanche et de magie noire. Ce qui m’intéresse, dans l’idée de la passion, c’est la notion de destin qui est sous-entendue, de destin tellement fort qu’il soumet les deux personnages qui ne peuvent que se débattre avec ce qui leur tombe dessus.
Le roman se découpe en deux parties, dans la première c’est Sarah qui domine et flamboie, dans la seconde c’est le portrait de la narratrice qui se dessine en creux. Etait-ce un choix délibéré de séparer les deux femmes en deux parties distinctes et de renforcer ainsi la séparation aussi bien physiquement, géographiquement que narrativement ?
Oui, je voulais faire le portrait d’une femme et de Sarah, plus particulièrement, dans la première partie, tout en laissant, en creux, des éléments permettant de connaître le personnage de la narratrice. Dans la deuxième partie, en revanche, c’est la narratrice qui s’impose comme personnage, qui nait à elle-même, qui se constitue, qui prend des forces -malgré son désespoir – qui prend assez de forces pour pouvoir faire ce geste de partir. Or, dans cette partie qui lui est consacrée, qui est consacrée à son introspection, il y a aussi, en creux, des souvenirs de Sarah, des descriptions de leur vie ensemble. En réalité, les deux femmes sont inséparables, et c’est le cas dans le texte aussi, qui essaye de les séparer mais qui n’y parvient pas car l’écriture les rapproche sans arrêt.
Votre style est très remarqué. Un style direct, des phrases courtes mais cela crée une forte émotion. Le ressentiez-vous ainsi lors de l’écriture ?
J’ai eu une grande joie à écrire la première partie, cette partie consacrée au portrait d’une femme. L’écriture de cette partie était un moment intense, vif, rapide, et je me plaisais à faire avancer mon éventuelle lectrice ou mon éventuel lecteur dans le tourbillon de la passion qui s’empare des deux femmes. Pour la deuxième partie, j’ai modifié un peu le style de la première partie, les paragraphes s’allongent, les phrases aussi, il s’agit d’une introspection et je voulais que le texte fasse corps avec ce qu’il raconte. C’est autre chose, qui m’a semblé tout aussi intéressant à explorer.
Vous avez envoyé votre texte par la poste et avez eu plusieurs avis favorables, vous avez choisi la prestigieuse maison de Minuit, éditeur de Duras, pourquoi ?
En réalité c’est un non-choix, j’ai été tellement honorée de la proposition des Editions de Minuit que je n’ai pas réfléchi plus longuement. Etre éditée chez Minuit c’est un honneur, oui, une grande joie, une fête, une responsabilité.
Ce premier roman a tout de suite séduit et fait parler de lui. Vous êtes citée pour de nombreux prix littéraires. Cela signe pour vous une reconnaissance, un aboutissement ?
Non, je ne pense pas que le sentiment d’aboutissement vienne des prix que peut recevoir un texte. Je suis contente pour mon roman, de le voir faire son petit bonhomme de chemin, de le regarder se frayer au milieu de tous les autres livres pour se faire une petite place à lui, mais à présent il existe en-dehors de moi, il ne m’appartient plus. Ce qui arrive pour ce texte est déjà une très belle chose, une grande chance.
Avez-vous de nouveaux projets d’écriture ? Un second roman peut-être ?
C’est en cours d’élaboration, peut-être, je ne pourrais le savoir que lorsque je me serai remise à ma table de travail et je n’en ai pas eu l’occasion encore. L’avenir nous le dira !
Sylvie V.
Pauline Delabroy Allard, ça raconte Sarah, Editions de Minuit, 192 p.
Photo : Pauline Delabroy Allard © Catherine Gugelmann
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cinemagraph © Pierre Beteille