Le troisième volume des « Solo Piano » de Chilly Gonzales vient de paraître, au moment où un documentaire visible dans les salles de cinéma retrace la carrière du musicien canadien.
Chilly Gonzales publie le dernier volume de son triptyque « Solo Piano » qui conclut une aventure à succès entamée en 2004. Après les allures pop du deuxième opus, le pianiste assume ici de nouveau l’héritage d’Erik Satie, dont il partage un sens profond du minimalisme et de la brièveté, au fil de miniatures énigmatiques aux mélodies entêtantes, parfois ponctuées de résurgences électro. Les récitals du Canadien sont d’ailleurs toujours traversés de pulsions iconoclastes et de ruptures de ton à la lisière du clownesques, ce qui fait de lui une sorte de Satie d’aujourd’hui: touche-à-tout flirtant avec le jazz ou le rap, il collabore avec des figures de la pop tel un Satie composant pour les stars de cabarets parisiens de son temps. Électron libre qui refuse de se plier aux règles trop rigides du concert classique, il donne à certaines pièces de son « Solo Piano III » des titres qui empruntent au langage classique (« Prélude en do dièse mineur », « Cactus Impromptu », « Lost Ostinato »), détient le record du monde du récital de piano le plus long (27 heures), et vient de lancer à Paris le Gonzervatoire à destination des auteurs-compositeurs-interprètes pour réconcilier «jouissance et connaissance musicale».
Le journaliste Philipp Jedicke lui a consacré un documentaire, « Shut Up and Play the Piano », qui est visible dans les salles de cinéma. Le film suit le parcours atypique du musicien canadien né en 1972, et tente de percer le mystère de la dualité entre l’Homme et l’Artiste, où le doute de Jason Beck se frotte à la mégalomanie du showman qui s’est choisi pour pseudonyme Chilly Gonzales. Pour le réalisateur, «le film demeure un voyage à travers ses fantasmes, dans son cerveau, mais aussi dans sa carrière. Au final je crois qu’on y découvre des aspects très différents de son travail et de sa personnalité. Jason Beck est un homme très gentil, très doux, très émotif. Sur scène en revanche, Chilly Gonzales est comme un animal: furieux, survolté, transpirant, hurlant sur les gens… L’un des grands enjeux de mon film, c’était de parvenir à montrer l’ampleur du travail réalisé entre ces deux extrêmes: comment un être timide et introverti peut-il devenir cet animal. Comment il cherche sans cesse à atteindre un niveau supérieur dans sa création, comment il cherche perpétuellement de nouvelles idées… Ça y est, je parle comme un fan, mais c’est justement en réalisant l’ampleur du travail accompli par Gonzo que je le suis devenu. Vraiment, c’est passionnant de voir comment il pense son travail. En apparence tout semble simple et dans l’émotion, mais c’est avant tout un vrai travail intellectuel. Un travail d’invention, puis de mise en pratique.»
Philipp Jedicke assure : «Chaque ville a une signification particulière pour Gonzo. Il a d’abord quitté Montréal pour Toronto, où il a essayé de devenir une pop star et a totalement échoué. Puis il s’est rendu à Berlin où il a développé son travail sur scène, se muant presque en artiste performeur. À Paris, il est devenu musicien professionnel. Étonnamment, car c’est une ville très bruyante, c’est là qu’il a trouvé la quiétude dont il avait besoin. La ville est presque devenue son terrain de méditation. Il y a trouvé le silence nécessaire pour se remettre à jouer du piano. Enfin, à Cologne, il a appris à jouer avec tous ces éléments, du classique au rap en passant par la musique de chambre.»
Jérôme Gac
Écouter : Chilly Gonzales, « Solo Piano III » (Gentle Threat)
Voir : « Shut Up and Play the Piano », sortie le 3 octobre