Le Capitole alterne les grands titres que le public plébiscite mais aussi les chef d’œuvre plus rares .
CARMEN a fait salle comble à chaque fois pour une production sans surprise et de bon ton. MACBETH a trouvé son public avec une salle comble pour la dernière . C’est plus rare d’avoir un théâtre plein pour Macbeth que pour Carmen !
J’analyse les qualités et les limites de chaque spectacle. Mais je ne veux pas oublier d’écrire combien le Capitole tient haut le pavé en France avec ces deux productions certes perfectibles mais très soignées. La critique est nécessaire mais trop point n’en faut, certains de mes collègues l’oublient, plébiscitant tout ou n’aimant rien.J’essaye de me situer sur le mitan . En tous cas je suis allé entendre et voir Macbeth deux fois pour mon plus grand plaisir.
Compte rendu Opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole. Le 22 mai 2018. Verdi. Macbeth. Jean-Louis Martinoty. Uria Monzon. Michele Gamba.
Un Macbeth sombre à souhait mais sans subtilités
Macbeth est un véritable chef d’œuvre probablement le meilleur opéra tiré de Shakespeare. Le plus abouti de tous les temps. Mais hélas il est trop rarement joué en raison de ses difficultés en termes de distribution. Le premier écueil a été levé avec le choix de la terrible Lady que Béatrice Uria Monzon a su mettre avec art au bon moment à son répertoire. Le physique évoque, dans le superbe costume de Daniel Ogier, la féline Morticia Addams de l’illustre famille. Le jeu est celui d’une grande tragédienne qui exprime un art extraverti du meilleur effet tant dans la séduction envoutante que la violence sanguinaire du rôle. La voix est à son apogée de puissance avec un mordant dans l’émission qui fait notre bonheur et une noirceur de timbre idéal dans ce terrible rôle. D’autres ont le brillant des vocalises et le fil de voix pour la fin de la scène de somnambulisme, personne aujourd’hui ne possède toutes ces facettes vocales. La seule Maria Callas a su à un moment de sa carrière chanter toutes les subtilités de la partition cocotée par Verdi. Beatrice Uria Monzon a la couleur et la violence de Lady Macbeth et la rupture finale dans la scène de somnambulisme est artistement figurée avec des cheveux gris et un port brisé.
Pour réussir Macbeth il faut un couple gagné par la folie du pouvoir dans ce superbe exemple de folie à deux. Las, le baryton Vitaliy Bilyy est fade et sans implication dramatique. Son meilleur moment est son dernier air (ici dans la version de Paris tronquée) sorte de révélation finale mais comme hors propos. C’est bien dommage que la torche de brulant poison de mort porté par Uria Monzon ne fasse aucun effet à son partenaire. Vitaliy Bilyy chante et porte beau sa voix. Il se promène sur scène. Indifférent au drame qu’il traverse. Le personnage n’évolue pas et il se paye le luxe de rater la scène du spectre de Banquo. Le timbre est homogène et la puissance est à la hauteur de celle de sa partenaire mais ce n’est pas cela le chant théâtral demandé par Verdi. Et passer à coté de ce personnage si intéressant est bien dommage.
L’émotion théâtrale vient lors du chœur des réfugiés et de l’air de Macduff. Le ténor Otar Jorjikia est une véritable découverte. Voilà un ténor fin musicien au timbre clair et chaud qui sait l’assombrir voir l’altérer dans sa déploration. Bien des grands ténors sont ainsi passé à coté de cet air qui doit avant tout être pure émotion et non beauté sonore. La présence de cet artiste est émouvante et sa musicalité certaine. Voilà un non à suivre. Le chœur est lui aussi d’une émotion à toucher l’âme. D’ailleurs tous les moments avec les sorcières ont été admirables tant vocalement, que par un jeu de scène habile en ces voltes face noirs et blanc. Il y a eu là un beau travail de mise en scène. Le Roi Banco a une fort belle présence avec la voix de basse noble du Coréen In Sung Sim. Les petits rôles, y compris les apparitions, sont tous parfaits. Ajoutons que les décors sombres et les costumes aux couleurs lourdes font que cette production construit un univers très shakespearien. Reste à parler de l’Orchestre du Capitole, admirable de timbre et de puissance, d’une présence de chaque instant. Mais la direction sans subtilités de Michele Gamba ne leur permet pas de rendre justice aux trouvailles de Verdi. Le chef a été comme subjugué par la beauté sonore qu’il pouvait tirer de l’orchestre mais n’a pas su leur demander les nuances qu’il possède. Le choix de certain tempi nous a semblé précipité dès la somptueuse ouverture qui perd ainsi sa complexe opposition noir-lumière. Nous savons que Verdi a fait répéter pianissimo aux créateurs du rôle jusqu‘à la nausée leur duo après l’assassinat du roi Duncan. Michel Gamba semble ignorer avec superbe ces recommandations précises du compositeur… C’est ne pas tenir compte non plus de la merveilleuse acoustique du théâtre du Capitole qui permet justement aux voix de chuchoter et de se faire entendre jusqu’au Paradis.
Voici donc un Macbeth noir et puissant dominé par la Lady furieuse de Beatrice Uria Monzon, les chœurs porteurs d’émotion et le superbe Macduff d’Otar Jorjikia.
Hubert Stoecklin
Compte rendu Opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole. Le 22 mai 2018. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Macbeth. Opéra en quatre actes. Livret de Francesco Maria Piave d’après Shakespeare. Création le 14 mars 1847 au Teatro della Pergola de Florence. (Version de Paris, 1865). Coproduction opéra national de Bordeaux et opéra national de Lorraine (2012). Jean-Louis Martinoty, mise en scène réalisée par Frédérique Lombart. Bernard Arnould, décors. Daniel Ogier, costumes. François Thouret, lumières. Gilles Papain, vidéo. Avec : Vitaliy Bilyy, Macbeth ; Béatrice Uria-Monzon, Lady Macbeth ; In Sung Sim, Banco ; Otar Jorjikia, Macduff ; Boris Stepanov, Malcolm ; Emanuela Pascu, Dame d’honneur de Lady Macbeth ; Carlos Rodriguez, un médecin ; Pascal Gardeil, un serviteur ; Thiery Vincent, un Héraut ; Christian Lovato, un assassin ; Raphäel Bouri, Melody Cohen, Catharina Mangane Barzantny, Mahery Randrianarivony Lopez : Les Apparitions. Chœur du Capitole, Alfonso Caiani direction ; Orchestre national du Capitole ; Direction musicale : Michele Gamba.
Photos : Patrice Nin
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