Paru en 2016 aux Etats-Unis et assorti d’un énorme succès, Le cœur battant de nos mères de Brit Bennett publié chez Autrement s’immisce parmi les coups de cœur étrangers de la rentrée.
A la recherche de la vérité
Nadia 17 ans, jeune fille débordante de joie, doit affronter la mort brutale de sa mère qui vient de se suicider. Ce traumatisme la plonge dans un questionnement sur son existence et son avenir. Elle décide que son devenir doit se faire loin de son père qui s’est mué dans le silence, loin de la communauté noire et religieuse qui essaye de lui dicter sa conduite. Nadia choisit de s’inscrire à l’université et de s’émanciper des codes qui ont marqué son enfance.
Avant de s’envoler vers cette nouvelle vie, Nadia passe un dernier été à Oceanside où elle rencontre Luke. Le coup de foudre est immédiat et Nadia tombe enceinte. Refusant de refaire ce qu’elle croit être l’erreur de sa mère, soit avoir un enfant trop jeune, elle décide d’avorter en secret. Ce deuxième traumatisme la poursuivra et la confortera dans l’idée de tout quitter, sa famille, son quartier, Luke.
Un secret bien trop lourd à porter
Il est bien connu de tous que certains secrets sont trop durs à garder, pourtant Nadia refusera de parler de l’existence de Bébé dont elle imagine la vie qu’il aurait pu avoir.
Pour la communauté chrétienne qui l’entoure et l’observe l’avortement reste un péché impardonnable. Car la force de ce roman est aussi de faire de la communauté religieuse un personnage à part entière qui guette par le trou de la serrure.
Une ville sous haute surveillance
Chaque chapitre s’ouvre comme un chœur antique avec des voix multiples, celles des mères, mais aussi celles des spectatrices –voire commentatrices- de leur petit microcosme. Tout est passé au philtre de ces regards flous mais omniprésents que sont ce cercle qui forme le Cénacle, groupe religieux qui juge les comportements selon leur moral.
Nadia ne se conforme-t-elle pas à ce milieu qu’elle juge hypocrite et méprisant. Ou, à l’inverse, est-ce ce groupe qui refuse d’intégrer cette jeune fille aux rêves de liberté et d’évasion, cette jeune fille qui a le malheur d’avoir la mort de sa mère qui pèse sur ses épaules ?
Un film très visuel qui sera porté à l’écran par la Warner
Les portraits sont délicats mais aussi très recherchés. L’auteur questionne des sujets sombres et pourtant toujours d’actualité ? Quant à l’histoire, elle est crédible car très réaliste sans jamais tomber dans le voyeurisme.
A 27 ans, Brit Bennett signe avec brio cette première histoire qui la classe parmi les jeunes meilleurs auteurs américains. Son écriture très scénaristique fera l’objet, sans surprise, d’un prochain long-métrage.
Sylvie V.
Brit Bennett
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch
Autrement
Photo : Reno Laithienne