De Garbo à Scorcese, en passant par Cukor, Ophuls et Fassbinder, la saison de la Cinémathèque de Toulouse sera dédiée aux cinématographies européennes et américaine.
Après un mois de fermeture estivale et le départ impromptu de sa déléguée générale Natacha Laurent, dix ans après sa nomination à ce poste, la Cinémathèque de Toulouse rouvre ses portes avec un réel désir de provoquer des courants d’airs rafraîchissants tout au long d’une saison célébrant la liberté – et ce dans la pure tradition de l’archive toulousaine. Dès la rentrée, elle sort du placard un courant cinématographique pondu en 1995 par deux cinéastes danois. Lars von Trier, réalisateur des « Idiots » (photo), et Thomas Vinterberg, à qui l’on doit « Festen », ont tourné leurs films selon les dix règles d’un manifeste nommé Dogma, ce qui assura aux deux malins une belle couverture médiatique lors de leur présentation à Cannes en 1998.
Véritable pétard mouillé de l’histoire du cinéma, Dogma fut dissous au bout de dix ans, après avoir œuvré en marge pour un cinéma libéré des productions majoritaires. Contestant le formatage imposé par l’industrie cinématographique, Dogma ne faisait que générer un format régi par des règles très strictes de tournage : 35 mm, couleurs, caméra à l’épaule, décor réels, son direct, recours à la lumière artificielle limité, etc. Neuf films se réclamant de Dogma seront présentés par la Cinémathèque de Toulouse, laquelle s’intéressera plus tard à un autre courant contestataire : le Free cinéma(1). Exclusivement britannique, il anticipa dès les années cinquante l’émergence de la Nouvelle Vague en France, avec des cinéastes tels que John Schlesinger et Tony Richardson.
La salle de la rue du Taur mettra à l’honneur un autre électron libre: Rainer Werner Fassbinder(2). Auteur, acteur et metteur en scène de théâtre, il reste le représentant le plus emblématique du nouveau cinéma allemand des années soixante et soixante-dix. La Cinémathèque de Toulouse enfoncera le clou de la veine contestataire avec une rétrospective printanière dédiée à Marco Bellocchio(3), cinéaste italien à la filmographie politiquement engagée – à gauche – et parfois subversive (« le Diable au corps »). Cet enfant terrible d’Hollywood qu’est Sam Peckinpah(4) ne dénotera pas dans cette saison insolente. Son œuvre en son temps controversée, aussi magistrale que violente, sera à l’affiche cet automne.
Un géant du cinéma américain sera comme chaque année exhibé durant le mois de juin : ce sera cette fois le tour de Martin Scorcese. L’année 2015 s’achèvera par la confrontation des univers de George Cukor et Max Ophuls(5), deux artistes qui se sont employés à donner des rôles majeurs aux actrices. Le mois de mai s’attachera à rendre compte du cinéma policier français, alors que novembre sera placé sous le signe des «Explorations»(6) sur grand écran.
Greta Garbo et Lon Chaney, acteurs mythiques du muet, seront à l’affiche de la saison des ciné-concerts qui invite des musiciens à accompagner les films. Enfin, comme à son habitude, le festival Extrême Cinéma(7) explorera les marges du patrimoine cinématographique, et la dixième édition du festival Zoom Arrière est annoncée au cours de la première quinzaine d’avril.
Jérôme Gac
une chronique du mensuel Intramuros
«Dogma 95», du 18 au 30 septembre ;
Présentation de la saison, mercredi 23 septembre, 19h00.
La Cinémathèque de Toulouse,
69, rue du Taur, Toulouse. Tél. : 05 62 30 30 11.
(1) Du 16 février au 9 mars
(2) Du 12 janvier au 14 février
(3) Du 14 au 30 avril
(4) Du 13 au 29 octobre
(5) Du 1er au 18 décembre
(6) Du 10 au 29 novembre
(7) Du 3 au 7 novembre
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photo: « Les Idiots » © Les Films du Losange