Synopsis : Manena est une adolescente déterminée et la fille adorée de Pancho. Ce riche Chilien, grand propriétaire foncier, ne consacre ses vacances qu’à une seule obsession : l’invasion de sa lagune artificielle par des carpes. Alors qu’il recourt à des méthodes de plus en plus extrêmes, Manena connaît cet été ses premiers émois et déboires amoureux – et découvre un monde qui existe silencieusement dans l’ombre du sien : celui des travailleurs indiens Mapuche qui revendiquent l’accès aux terres, et s’opposent à son père.
« L’Eté des poissons volants » raconte l’histoire de Manena, qui se rend compte qu’elle se pense pas comme son père. Malgré l’amour familial, une distance va se mettre entre eux. Après cet été, Manena ne saura plus la même personne. Dans ce film, beaucoup de choses sont en hors-champ, juste esquissées, nous plongeant dans une réelle tension. A ne pas louper !
Après avoir fait des documentaires, comment es-tu passée à « L’Été des poissons volants », ta première fiction ?
Cela s’est fait très naturellement, presque par hasard. J’ai fait une série de documentaires politiques, car c’est ce qui m’intéresse sur ce qui se passe dans mon pays. Je suis tombée par hasard sur cette histoire qui est vraie. J’étais dans une maison où le propriétaire utilisait des explosifs pour éliminer des carpes. Un ami à moi m’a conseillé d’en faire un film. J’ai accepté mais je ne pouvais pas en faire un documentaire. J’ai alors commencé à écrire cette fiction sans savoir si j’allais la tourner car j’étais déjà en train de faire un documentaire. Je me suis alors rendue compte de la liberté que j’avais pour écrire, qui n’a rien à voir avec l’écriture d’un documentaire. En fait, j’ai commencé à m’amuser et prendre du plaisir, et après on a trouvé les financements.
Ce n’est pas du tout un film idéologique. Je ne voulais pas faire un documentaire sur les Mapuche car tout ce que j’ai vu à leur sujet était trop idéologique à mon goût. Je voulais traiter de la non-visibilité de ce conflit régional. Même moi en étant chilienne, je ne le vois pas. Mais on est néanmoins pris dedans. Je voulais trouver une façon plus poétique de parler des problèmes entre classes sociales, de la jeunesse mais je ne voulais pas dire aux gens ce qu’ils doivent penser sur ce conflit. C’était déjà le cas dans mon documentaire précédent, « El Mocito », où j’avais porté mon regard sur un personnage plus ambigu et je voulais donner au spectateur la liberté de pouvoir choisir son camp, de se confronter tout seul aux problèmes philosophiques du personnage.
Dans « L’Été des poissons volants », la violence est explicite mais tout le conflit est hors-champ, c’était ça la difficulté. On s’était posé cette question avec mon co-scénariste Julio : parler de quelque chose que l’on ne voit pas. D’ailleurs, on ne pensait jamais nommer les Mapuche, mais finalement il y a deux scènes où on les nomme. On m’avait conseillé d’utiliser une affiche des Mapuche pour « montrer » le conflit, mais je me suis opposée à cette idée. Un tel conflit peut se passer n’importe où, et pas uniquement au Chili avec les Mapuche. Si vous voulez en savoir plus, il vous suffit d’aller sur Google pour faire des recherches.
En plus de la famille de Manena, d’autres personnages viennent dans cette maison sans que l’on sache réellement leurs liens.
Ce n’était pas important de savoir si c’est une tante ou un oncle. Par exemple, la fille qui lui vole son petit copain, peu importe si c’est sa cousine ou sa sœur. L’important est qu’elle est l’autre qui lui vole son petit copain. Pour les enfants, c’est pareil, que ce soit ses frères, ses cousins ou ceux des voisins, ce n’est pas important. L’important est que ce soit des enfants.
La nature tient une place importante dans ton film ?
A l’écriture du scénario, la nature était plus domestiquée car elle correspondait à celle de la maison où c’était passé l’évènement. Pendant deux ans, j’ai essayé de convaincre la personne de me la louer. Il fallait une lagune et une maison isolée. La nature était vraiment importante car c’était la question de la terre qui est en jeu. Et finalement, quand j’ai trouvé la maison du film, cette nature exubérante me convenait mieux. On a modifié alors certaines scènes.
Il y a un lien entre la peinture et les animaux morts dans ton film. Quelle est la place de la peinture dans ton métier ?
J’ai fait des études d’esthétique. J’essayais de faire de la peinture mais je n’étais pas vraiment douée. Mais j’ai écrit le personnage du peintre joué par Guillermo Lorca, qui interprète son propre rôle avec ses peintures. Il a beaucoup de talent, il a 27 ans et expose en ce moment au musée des Beaux-Arts au Chili. Ses peintures étaient parfaites pour le film : il peignait ces jeunes filles bourgeoises avec cette décadence. Je lui ai donné le scénario à lire, et quand je suis allée voir ses nouvelles toiles il y avait des animaux morts. C’est comme s’il y avait une connexion, comme s’il s’était passé quelque chose entre nous. Dans le scénario original, il y avait 4 petits garçons et j’ai remplacé le dernier en petite fille pour coller à ses peintures.
J’écris actuellement mon prochain film où je travaille avec un autre artiste. Cela m’aide beaucoup de rencontrer des artistes qui parlent de choses à la fois fortes et poétiques.