« Dans la cour », un film de Pierre Salvadori
On ne remerciera jamais assez Pierre Salvadori d’avoir offert à cet archange noir foudroyé en plein vol, Guillaume Depardieu, parmi ses plus beaux rôles au cinéma. Dans son dernier opus, il propose un très beau personnage à Gustave Kervern, un ancien de Groland. C’est celui d’un musicien au bord du gouffre, vraisemblablement en panne d’inspiration et qui quitte la scène, vidé de tout. Pour vivre, il trouve, grâce à Pôle emploi, un remplacement de concierge dans un immeuble pas forcément rupin de l’Est parisien. Antoine, c’est son prénom, croit revivre. Les choses sont simples, directes, faciles aussi. Il suffit en plus d’être sympa avec les locataires. Sauf que voilà, les locataires en question sont un peu compliqués. En particulier Mathilde, jeune retraitée, dont le cerveau se fissure de la même manière que le mur de son appartement.
Face à Serge, son mari, bienveillant, compréhensif mais aux aguets des dérives mentales de sa femme, elle ne va trouver un vrai réconfort que dans la fréquentation assidue d’Antoine. Toutes les raisons sont bonnes pour le solliciter. Antoine, bonne âme charitable, écoute et tente de régler les problèmes, ceux de Mathilde comme ceux de Stéphane qui gare dans la cour tous les vélos qu’il vole, ou encore ceux de ce sdf pas vraiment local et de son chien. C’est tout un microcosme malade de notre société qui gravite dans cette cour et demande aide à Antoine, personne ne s’occupant vraiment de la déprime qui ronge cet ex musicien et dont il essaie de se sortir avec force drogue et alcool. C’est une tragi-comédie urbaine, avec ses moments de franche hilarité qui permettent de respirer au milieu de cette descente aux enfers que l’on sent poindre dans la lassitude qui envahit Antoine. Le ton tient sur un fil et Pierre Salvadori réussit là un véritable numéro de funambulisme. Il faut dire que Catherine Deneuve (Mathilde) et Gustave Kervern (Antoine) l’aident beaucoup par la justesse et la profondeur de leur jeu. Des secondes gâchettes de premier niveau les entourent, Féodor Atkine et Pio Marmai pour ne citer qu’eux ! Voilà du cinéma, du vrai, sans un soupçon de racolage, formidablement maîtrisé, avec une star dont le statut laisse place au talent à l’écran. Sur le thème de la dépression, le réalisateur nous propose une réflexion particulièrement actuelle.
Robert Pénavayre