« Le loup de Wall Street », un film de Martin Scorsese
Connu pendant un temps comme le sommet de la gloire financière, Wall Street est devenu synonyme d’arnaques et d’excès en tous genres. Plusieurs films ont déjà retracé les parcours aussi flamboyants que misérables de quelques golden boys ayant fait la gloire comme la déchéance de ce lieu emblématique de la finance internationale. Martin Scorsese s’y colle à nouveau avec un –très – long métrage de 3h ! Le scénario s’inspire librement de l’histoire – vraie – d’un escroc américain pré-Madoff, Jordan Belfort. Petit génie de la vente, il a tôt fait de comprendre les principes du capitalisme alors qu’il est assistant-trader chez Rothschild à New York. La séquence d’initiation par un ancien de la maison (énorme Matthew McConaughey), est un monument à elle seule. Très rapidement il va s’installer dans un garage avec une équipe de bras cassés qu’il va former à la vente du « hors côte », c’est-à-dire des valeurs qui ne valent que quelques cents. Cible : les personnes ne pouvant pas accéder financièrement aux grandes valeurs de la côte officielle. Peu importe les dégâts chez ces petits épargnants, 50% de commission, ça ne se refuse pas. La petite entreprise va vite faire flores et devenir l’une des plus grandes agences de courtage américaine. Se spécialisant dans l’introduction en bourse, Jordan Belfort va aussi se spécialiser dans l’escroquerie. Blanchi une fois par la SEC (l’Autorité des Marchés américaine), Jordan Belfort ne passera pas entre les mailles du filet tendu par le FBI et atterrira en prison pour 3 ans, sa prompte collaboration avec les policiers lui ayant valu un régime de faveur… C’est depuis sa cellule de luxe qu’il écrit son roman : Le loup de Wall Street. Ce véritable best-seller a fait disjoncter littéralement, alors que Belfort était toujours en prison, Brad Pitt et Leonardo DiCaprio. Ils se sont battus comme des coquins pour en avoir les droits d’adaptation. Le réalisateur américain a fait pencher la balance en faveur de son poulain préféré. Voici donc l’excellent Leonardo dans la peau de ce camé alcolo acro au sexe et déchiré en permanence mais possédant à fond tous les stratagèmes de la haute finance, haute car elle vient titiller les hauts de bilan, là où se cache l’argent. Quelques scènes particulièrement crues (le film est interdit aux moins de 12 ans) nous montrent l’ambiance orgiaque qui présidait tant à la vie personnelle que professionnelle du milieu. Ceci étant et, malgré la suprême maestria du cinéaste, le film tient-il 3h ? Non ! Très vite les scènes sont redondantes et l’engagement sans limite de DiCaprio ne suffit pas à en renouveler l’intérêt. Sans parler de la technicité du discours qui peut en perdre quelques-uns en route. Cela dit, ce que capte le mieux ce film est certainement la folie qui s’est emparée de cet homme et de ses acolytes, une folie financièrement meurtrière pour ces centaines de milliers de ménages de la middle class américaine. Juste un mot pour terminer, la présence de Jean Dujardin au générique rappelle la séquence la plus aberrante du film dans laquelle notre Jean national est censé incarner un banquier suisse. A croire que Martin Scorsese n’a jamais rencontré ce type de personnage… Quant à Jordan Belfort, libéré en 2005, il coule aujourd’hui des jours heureux, facturant 30 000 $ chacune de ses interventions dans des séminaires spécialisés dans la formation en entreprise aux techniques de vente. Et voilà l’astuce !
Robert Pénavayre