« L’écume des jours », un film de Michel Gondry
Adapter Boris Vian (1920-1959) et plus particulièrement son Ecume des jours publié en 1947 relevait de l’improbable, tant le roman est foisonnant et recoupe une multitude de thèmes : l’amour, la maladie et la mort certes, mais aussi le monde du travail, la religion, le culte de la personnalité, la discrimination sociale, etc. Tout cela dans une atmosphère gentiment loufoque où le surréalisme se conjugue à tous les temps avec l’absurde. Michel Gondry en fait une adaptation cinématographique qui privilégie la relation entre Colin et Chloé, les deux héros du roman. Tout le monde connaît l’issue fatale de leur amour, avec ce nénuphar qui petit à petit envahit les poumons de la jeune femme. Dans ce film totalement décalé, il n’est rien de dire combien Romain Duris et Audrey Tautou se révèlent à leur meilleur grâce à une légèreté de jeu, une fausse superficialité et en même temps une justesse de ton qui feront vaciller les plus réfractaires à ce couple lumineux. A leurs côtés, Omar Sy est un Nicolas parfait d’humanité, lui qui sert à la fois d’avocat, de cuisinier, de chauffeur et de confident à Colin. Tout comme Gad Elmaleh, rarement aussi bien employé, ou dirigé, ici dans le personnage d’un addict à Jean Sol Partre, célèbre philosophe dont la pensée fumeuse le phagocyte au point d’en oublier sa bien-aimée. Ajoutez à cela une petite souris complice des bons et des mauvais moments, qui usera ses griffes pour essayer de faire entrer la lumière dans la chambre de Chloé alors que l’image vire au noir et blanc au rythme de l’avancement de la maladie. Tout ce monde évolue dans un bric à brac incroyable, ne s’émotionnant nullement de chasser une anguille au travers des robinets ou bien de composer des breuvages grâce au fameux pianocktail. L’univers que met en scène Michel Gondry est irracontable et ne recule devant rien. N’insistons pas. Par contre, que vous ayez lu ou pas le roman, allez voir ce film malgré tout ce que vous pouvez lire ou entendre dire. Il porte en lui l’émotion des amours simples mais sincères et, malgré quelques scènes un peu dures, est l’aboutissement d’un cinéaste qui a su garder son âme d’enfant.
Robert Pénavayre