Décidemment, Wes Anderson a de plus en plus de mal à nous immerger dans son univers foldingue. Après l’ennuyeux « French Dispash » et le désastreux « Asteroid City », il nous perd à nouveau en route avec « The Phoenician Scheme », présenté en compétition à Cannes et la semaine prochaine en salle.
A Cannes comme ailleurs, il suffit d’écouter une salle pour jauger le degré de satisfaction immédiat des spectateurs. Dans le Palais des festivals, on a d’abord senti une grande excitation à l’idée de découvrir le nouvel opus de Wes Anderson. Et puis des rires ont fusé, assez nombreux, durant le premier quart d’heure, validant quelques scènes effectivement amusantes. Ensuite…Un grand silence s’est installé, face à un objet cinématographique, certes beau mais désincarné, qui a tout d’une machinerie sophistiquée finissant par tourner à vide. A Cannes, au moment du générique final, il y a eu quelques applaudissements timides – et pas de sifflets, c’est déjà ça.

Benicio del Toro et sa fille de cinéma, Mia Threapleton. Photo TPS/Focus Features
Dans « The Phoenician Scheme », Benicio del Toro occupe tout l’espace avec son personnage de Zsa Zsa Korda, soit le prénom d’une star hollywoodienne et le nom d’un réalisateur britannique, tous les deux légendaires. L’homme n’a rien de recommandable : il a bâti sa fortune en prenant sa commission de 5% sur des affaires juteuses. Qu’on le traite d’escroc ne lui fait ni chand ni froid tant qu’il ramasse la monnaie. Sa fille aînée s’apprête à devenir bonne sœur, il élève de très loin ses 9 autres enfants, pour beaucoup adoptés. Ce fort en gueule de Zsa Zsa a échappé à de nombreux assassinats (ce qui donne les scènes les plus drôles du film). Il a pris des coups mais s’est toujours relevé. Son dernier défi est de convaincre son demi-frère et quelques amis (enfin, amis…) de cracher au bassinet pour se lancer dans un nouveau projet fastueux…
Wes Anderson est tellement occupé à décorer son petit théâtre – son petit théâtre si délicieusement sophistiqué – qu’il en oublie de travailler ses personnages, réduits à l’état de marionnettes. Bien sûr, les excès volubiles d’un Mathieu Amalric chapeauté d’un fez (ici en tenancier de boîte de nuit tout droit sorti de Tintin ou de « Pépé le Moko ») provoquent quelques sourires. Idem de la diction excessivement britannique de Michael Cera en précepteur un peu perché. Mais que penser d’une star comme Tom Hanks, venu ici jouer les utilités, comme quelques autres (Charlotte Gainsbourg, Willem Dafoe…) n’ayant aucun vrai rôle à défendre ?
Wes Anderson est indiscutablement un grand artiste. Qu’il se remette, comme à l’époque de « Moonrise Kingdom » ou « Fantastic Mr Fox », deux merveilles, à refaire du cinéma.
« The Phoenician Scheme », de Wes Anderson, en compétition à Cannes, le 28 mai dans les salles.