Les 17 et 18 avril, l’Orchestre du Capitole affichera complet avec deux concerts consacrés au répertoire d’Ennio Morricone, le maestro des musiques de films. Et proposera un ciné-concert « Star Wars » le 5 juin. L’orchestre philharmonique de Radio France s’intéresse aussi au grand écran. Il a notamment invité Howard Shore en mai 2023 pour deux concerts de ses œuvres, notamment le fameux « Seigneur des anneaux », qu’on peut désormais retrouver en vinyle et en CD.
Les orchestres symphoniques ont compris tout le profit qu’ils avaient à tirer de concerts dédiés aux musiques de films, à la fois sur le plan commercial et en matière de « diversification des publics ». A Toulouse, le Capitole n’a jamais méprisé le genre sans pour autant en abuser. Ce printemps, Ennio Morricone et John Williams figureront en tête de gondole, prenant la suite d’autres compositeurs populaires comme Michel Legrand, Georges Delerue ou Howard Shore. Ce dernier, complice de longue date de David Cronenberg, a clairement changé de catégorie en travaillant avec Peter Jackson sur la saga du « Seigneur des Anneaux ». Il n’est pas surprenant de voir la place prépondérante qu’occupe la superproduction dans les deux concerts donnés en mai 2023 par l’Orchestre philharmonique de Radio France, dirigé par Ludwig Wicki et Bastien Stil, et désormais disponibles en disques. C’est le premier volet de la trilogie, « La communauté de l’Anneau » (2001) qui est logiquement mis en exergue. On y retrouve le fracas – percussions à fond et chœurs puissants – propres au genre guerrier. Le péplum n’est jamais loin, grandiose et parfois excessif. La surprise vient de plages plus paisibles et bucoliques comme le thème principal, « The History of the Ring », une merveille de délicatesse qui nous rappelle… le John Barry des meilleurs James Bond dans les années 1960.

« Les Seigneur des Anneaux », de Peter Jackson. Photo New Line Cinema/Metropolitan Films
Venu du monde du rock, le saxophoniste et flûtiste Howard Shore ne saurait être limité au genre héroïque (fantasy). On le découvre avec les musiques de trois films de David Cronenberg, « La mouche » (1986), « Le festin nu » (1991) et « Crash » (1996). Ces partitions instillent le malaise et l’angoisse attachés à ces œuvres dérangeantes. Le compositeur canadien y évite les stridences faciles, les ruptures de tons brutales. Il excelle dans la montée en puissance de la peur avec, dans « La mouche », quelques violons qui inquiètent, puis un ample déploiement symphonique et une conclusion en forme de déferlement de cuivres. « Le festin nu » le ramène à ses débuts de saxophoniste dans un registre jazz d’une grande liberté. Pour « Crash », Howard Shore a imaginé une mélodie lancinante, déclinant un thème obsédant qui finit par se fracasser dans un bruit de cymbales.
Avec « Ed Wood » (1994), Tim Burton avait décidé de changer de partenaire musical. Pourtant, le registre poil-à-gratter imaginé par le musicien canadien est proche de celui du comparse habituel du metteur en scène, Danny Elfman. Piano, violons, voix étrange et sifflement aigu (avec un kazoo ou un instrument de ce genre) participent à une danse macabre et ricaneuse totalement réjouissante.
Reste que la perle de ces albums est la musique d’« Esther Kahn » (2000), d’Arnaud Desplechin, jouée par l’orchestre Le Balcon, dirigé par Mike Schäperclaus (également à l’œuvre sur « Ed Wood » et «Crash »). Elle est sublime, diablement romanesque, traversée par un violon déchirant.
Comme attendu, ces « Concerts parisiens » d’Howard Shore font le bonheur des fans, donc de la maison de disques Deutsche Grammophon, qui elle aussi a pris le lucratif virage des musiques de films. Dans les ventes d’albums « classiques » (largement trustées par Sofiane Pamart et Ludovico Einaudi !), l’anthologie du Canadien suit de près une autre du même genre, consacrée aux films d’animation d’Hayao Miyazaki, signée Joe Hisaishi et éditée par la même auguste maison sous le titre « Célébration symphonique ». Ces deux rétrospectives précèdent, toujours chez Deutsche Grammophon, un coffret Chostakovich par le Boston Symphony Orchestra et une nouvelle « Tosca » de Puccini, chantée par le trio Buratto-Tetelman-Tézier, avec l’orchestre et les chœurs de l’Académie Nationale de Saint Cécile, à Rome…
Howard Shore Anthology, « The Paris concerts » (2 CD ou 3 vinyles Deutsche Grammophon/Universal).
Ennio Morricone par l’Orchestre du Capitole, jeudi 17 et vendredi 18 avril à la Halle aux grains. Complet.
Ciné-concert « Star Wars », de John Williams, par l’Orchestre du Capitole, jeudi 5 juin au Zénith. Tarifs : de 18 euros à 68 euros. Tél.05 61 63 13 13.
A noter qu’un orchestre symphonique (non précisé) sera en tournée en 2025 en France avec des concerts (sans images) intitulés « Le Seigneur des Anneaux et le Hobbit ». Il fera étape à Altigone Saint-Orens samedi 15 novembre à 16 heures. Tarifs : de 39 euros à 79 euros.