The show must go on, si l’on en croit le succès de Queen Extravaganza. Plébiscité par un public toujours plus nombreux à travers le monde, le tribute band sera de passage au Zénith de Toulouse le 19 mars prochain. À cette occasion, Culture 31 a échangé avec Olivier Cachin, journaliste musical et fer de lance de ce concert. Légende de Freddie Mercury, nostalgie autour du rock, avenir des groupes d’hommage… Incursion dans le passé et le futur.
![Queen Extravaganza](https://blog.culture31.com/wp-content/uploads/2025/02/queen-extra-scaled.jpeg)
© Dave Nelson
Culture 31 : Queen Extravaganza est produit par les membres originels du groupe : Roger Taylor et Brian May. Tous deux ont organisé une audition d’ampleur pour trouver des voix crédibles pour porter le message de Freddie Mercury. Pari réussi ?
Olivier Cachin : Ce qui est intéressant, c’est de voir que, depuis le décès prématuré de ce bon vieux Freddie en 1991, Queen n’a jamais baissé les bras. Ils ont d’abord eu une vie en tant que Queen avec d’autres chanteurs, puis il y a eu des développements avec Queen Symphonic et Queen Extravaganza. Le groupe est effectivement validé par Roger Taylor et Brian May, et c’est déjà une garantie d’authenticité. Ça veut dire qu’il est estimé, de la même façon qu’un Elvis a été approuvé par la fille du King. Bien sûr, ça ne sera jamais à la hauteur de Freddie Mercury, qui est intouchable, mais ça rend justice aux compositions du groupe. Et contrairement à d’autres tribute bands qui ne sont pas forcément validés par les membres originaux, on est vraiment sur une proposition de qualité.
En tout cas, le groupe d’hommage a gagné le cœur des grands fans de Queen. Au-delà d’être convaincant, n’est-ce pas le plus gros enjeu pour un tribute band ?
Oui. Puis la carte qu’ils ont jouée – ne pas imiter Freddie Mercury avec ses vêtements extravagants, etc – est assez habile. Sur scène, le groupe joue vraiment sur la qualité musicale et la voix. Il y a deux chanteurs, ça joue, et on n’est pas là pour voir une reproduction d’un spectacle de Queen mais pour entendre ce qu’il y a de plus proche de l’esprit Queen de l’époque.
En italien, le terme extravaganza signifie « spectacle grandiose ». Justement, Queen était autant réputé pour sa musique que ses concerts, puisque le groupe avait un don pour galvaniser les foules, donc le côté scénique de Queen Extravaganza devait être à la hauteur.
Absolument ! Et c’est le cas.
Le calendrier est opportun, puisque cette année signe les 50 ans du titre iconique «Bohemian Rhapsody». Vous souvenez-vous de la première fois que vous l’avez entendu ?
La première fois, je ne sais pas, mais au début, on se disait « mais qu’est ce que c’est que ce machin ? ». Parce que ça ne ressemble à rien, ça part dans tous les sens. Ils passent d’un truc super rock, à un truc opéra, puis une ballade super triste. Finalement, on s’aperçoit qu’il y a cette narration incroyable et cette présence de Freddie, qui habite le titre. C’est amusant de se dire qu’on comprend les producteurs qui, au début, disaient que ce n’était pas un single. Effectivement, a priori, c’est tout sauf un single. Mais c’est tellement puissant qu’en définitive, si ça durait 6 minutes, ça n’aurait aucune importance. C’est un titre unique, qui n’a aucun équivalent, et encore moins à l’époque où ça a été fait. C’était vraiment un ovni !
Vous avez qualifié Queen de « machine à tubes » dans les colonnes du Dauphiné Libéré. Quelle serait votre définition d’un tube ?
Un tube, c’est quelque chose qui se greffe dans notre cerveau, même si au départ, ce n’est pas notre style. Il y a quelque chose d’irrémédiable, ça ne peut pas s’expliquer. Par exemple, il y a des gens qui n’aiment pas Queen, mais ils vont chantonner ou taper du pied quand un morceau va passer, presque contre leur volonté. Un tube, c’est quelque chose qui s’impose comme une évidence auprès du grand public. Il y en a eu tellement de titres dans l’histoire de Queen, et du rock en général, qu’on n’aurait pas imaginés être des tubes, qu’on s’aperçoit que c’est le public qui décide. Même si ça fait 6 minutes, même si c’est bizarre, c’est un hit parce que quelque chose de spécial se passe.
Les « tribute bands » semblent de plus en plus nombreux, et plus particulièrement du côté du rock (Queen, The Cure, Pink Floyd, The Beatles…). Pourquoi le rock, selon vous ?
Parce qu’il y a tout un mythe d’une époque disparue, des années 70 à 80. Puis forcément, les tribute bands sont liés à la nostalgie. Quand on vieillit, on se retourne vers ce qu’on a écouté quand on était jeune et on s’aperçoit que ça avait de la gueule. Si on prend Queen, c’est un groupe qui n’était pas unanimement apprécié, beaucoup de gens disaient que c’était kitsch, voire que ce n’était pas du rock. J’avais même retrouvé un vieil article du magazine américain Rolling Stone. Il disait que c’était « le premier groupe de rock réellement fasciste », quand l’album « Jazz » est sorti en 1978. En lisant ça aujourd’hui, on se demande ce que le type avait pris comme drogues hallucinogènes ! (Rires). Après, le temps est passé, et il y a eu une montagne de tubes, une histoire, une légende, et l’envie de retrouver cette énergie. D’où ces tribute bands. Même avec Dire Straits, qui est plutôt un groupe des années 80. The Dire Straits Experience tourne avec un certain succès.
Il y a encore 10-15 ans, les tribute bands étaient un truc bizarre, avec des groupes qui reprenaient les Beatles façon imitation, et aujourd’hui, il y en a des dizaines, de Led Zeppelin à AC/DC. Presque tous les groupes de l’histoire du rock et de la pop vont avoir des tribute bands qui reprennent leur catalogue. Parfois, c’est carrément des shows à l’identique, par exemple pour Genesis. Avec Queen Extravaganza, c’est surtout le répertoire de chansons, et pas la reproduction d’une mise en scène de l’époque.
Diriez-vous que les artistes les plus mythiques de l’époque contemporaine sont des rockeurs ?
Il y a quand même eu des sacrés numéros dans ce qu’on appelle l’urbain, dans le hip-hop ou le reggae avec Bob Marley. En fait, toutes les musiques ont leurs icônes. Dans le rock, il y en a particulièrement beaucoup et c’est peut-être pour ça qu’il y a autant de tribute bands qui s’en inspirent.
En 2023, un rappeur toulousain nous a dit : « le rap, c’est le nouveau rock, chaque musique à son ère ». Partagez-vous son analyse ?
Le nouveau rock dans le sens où c’est une musique que j’allais dire jeune, même si elle a déjà 50 ans maintenant. Mais en tout cas, depuis quelques années, le rap français explose de façon commerciale, alors qu’avant, il y avait un plafond de verre. Beaucoup de médias refusaient d’en parler, ça a changé avec internet et le streaming. Ça a pour les jeunes d’aujourd’hui l’impact du rock pour les jeunes des années 60-70. Après, comparer musicalement est toujours un peu périlleux. Il y a quand même des points communs, le côté musique de la jeunesse et le fait de raconter son époque d’une certaine façon, même si le rap le fait peut-être plus que le rock. Il y a ces similitudes mais il y a aussi des limites, la comparaison n’est pas raison.
Pensez-vous qu’il y aura un équivalent des tribute bands pour des artistes rap plus tard ?
Il y a déjà « L’âge d’or du rap français » avec des tournées en présence de groupes des années 90 qui reviennent, façon « Stars 80 ». Pour des tribute bands de rap, c’est plus difficile, parce que c’est une musique qui est tellement liée à ses interprètes que ça semble moins évident. Mais pourquoi pas, dans 10 ou 15 ans, un groupe qui reprendrait les classiques de NTM. C’est une possibilité, mais force est de constater que jusqu’à présent, ça n’existe pas encore. Et je pense que si ça arrive, ça ne sera pas pour autant de groupes qu’avec le rock. Malgré tout, il y en aura sûrement pour le rap, mais il faut attendre un petit peu.
Pour en revenir à Queen, quels artistes de rock actuels conseilleriez-vous à un fan de Queen ?
Je ne vois pas vraiment d’équivalent pour ce rock à la fois symphonique et hard rock, en tout cas dans les groupes jeunes. Il faut dire que les gros groupes de rock ont déjà un peu de bouteille. Dans les récents, et encore, ils ont plus de 20 ans, il y a Radiohead, qu’on assimilerait plus à Pink Floyd qu’à Queen. Ils font partie des nouveaux poids lourds du rock, mais sinon, que ce soit pour des groupes comme Metallica ou AC/DC, on parle forcément d’une autre époque. Je crois que, de toute façon, comme tous les très grands groupes, Queen n’a pas vraiment d’équivalent. Personne ne peut imiter ou égaler Queen dans son style. Certains vont avoir une grosse carrière ou un grand succès, mais l’époque est différente. À la limite, dans l’extravagance et dans la performance, je conseillerais Lady Gaga. Elle a aussi un côté très flamboyant, parfois très symphonique et très hard aussi. Mais est-ce du rock ? La question est posée.
Puisque la question est posée, c’est quoi le rock ?
Est-ce une attitude ? Un genre musical ? Une époque de l’histoire de la pop ? C’est un peu tout ça à la fois ! C’est amusant de se dire que, dans les années 80, quand Jeanne Mas faisait des concerts, il y avait un passage où son guitariste jouait un solo et elle disait « et ça, c’est pas du rock peut-être ? ». Mais le rock, ce n’est pas seulement une guitare qui hurle, sinon tout le monde pourrait en faire. Plein d’autres choses vont avec. Si on n’est pas dans la légende, on peut faire hurler ses guitares autant qu’on veut, on ne sera qu’une pop star qui essaie de s’aligner sur des mythes comme Led Zeppelin et bien d’autres.
Propos recueillis par Inès Desnot