Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Les Lumières de la ville de Charlie Chaplin
En ce jour de Noël peut-on trouver mieux qu’un film de Charlie Chaplin à voir ou revoir ? Les Lumières de la ville, sorti en 1931 et dont le tournage dura près de trois ans, illustre la réticence de l’acteur et metteur en scène à faire ses adieux au cinéma muet alors que le parlant s’est désormais imposé. Chaplin va donc composer : il décide de conserver le pantomime et les intertitres du muet en faisant l’impasse sur les dialogues, mais signe son premier film sonore et exploite précisément les effets bruités pour développer de nombreux gags. Le procédé sera repris pour Les Temps modernes avant qu’il ne se résolve à se convertir au parlant.
De par l’époque de sa conception, Les Lumières de la ville est évidemment un reflet de l’Amérique frappée par la crise de 1929. Si le personnage du vagabond Charlot avait déjà permis à l’artiste de témoigner de sa conscience sociale et politique (on songe notamment au Kid), l’histoire d’amour entre le vagabond et une jeune fleuriste aveugle menacée d’expulsion avec sa grand-mère ne relève pas du banal mélodrame fictionnel tandis que le personnage du millionnaire excentrique et le fastueux train de vie de ceux qu’ils côtoient offrent un contrepoint saisissant. Pour autant, Chaplin n’est jamais manichéen et il montre également des gens du peuple – comme les deux adolescents se moquant de Charlot ou le domestique zélé du millionnaire – qui ne brillent pas par leurs vertus.
Rires et larmes
Au-delà de cette dimension, le quatrième long-métrage de Chaplin est une parfaite démonstration de son art cinématographique fondé sur la perfection chorégraphique des gags. Pour cela, le cinéaste ne s’embarrasse pas d’effets superflus ou de grands mouvements de caméra, mais s’appuie sur l’énergie pure des personnages – au premier rang desquels celui qu’il interprète – et un montage minimaliste. Cette simplicité formelle est contrebalancée par l’inventivité burlesque, la science des quiproquos, la densité des enjeux dramatiques.
Comme souvent, Chaplin mêle comédie et drame, rires et larmes, avec une sincérité jamais démagogique et une décence ordinaire aux accents orwelliens. Si son double fictionnel, manière d’anarchiste malgré lui, n’a rien perdu de sa fraîcheur ni de son universalité, c’est sans nul doute grâce au génie de son créateur.
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