Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Au feu, les pompiers ! de Milos Forman
Années 1960 : le cinéma tchécoslovaque connaît lui aussi sa Nouvelle Vague. Les figures marquantes se nomment Jiri Menzel, Vera Chytilova, Ivan Passer ou Milos Forman qui deviendra le plus connu grâce à sa carrière américaine. Ses premiers longs métrages, comme L’As de pique en 1963 ou Les Amours d’une blonde en 1965, lui valent déjà d’être reconnu au-delà des frontières de son pays. Au feu, les pompiers !, sorti en 1967, confirme la liberté et l’insolence qui soufflent alors du côté de Prague. L’histoire est simple, presque un prétexte : dans une petite ville de la république communiste de Tchécoslovaquie, le bal annuel des pompiers se prépare. Une tombola et un concours de beauté sont également au programme. On doit aussi remettre « La hache d’or » à un ancien chef des pompiers. Seulement, les catastrophes vont s’enchaîner sur un rythme grandissant.
Film choral sans réel personnage principal, le premier tourné en couleur par Milos Forman avance par petites touches. Le scénario (coécrit notamment par Ivan Passer) enchaîne les saynètes irrésistibles tandis qu’une discrète dimension documentaire et un sentiment de naturel (les comédiens sont quasiment tous non-professionnels) s’invitent.
Visionnaire
Environ un quart de siècle avant la chute du communisme à l’Est, Au feu, les pompiers ! en annonce la mort programmée avec un sens visionnaire exceptionnel. Ce village et ces cérémonies pseudo-festives sont évidemment le symbole d’un pays et d’un système. Rien ne fonctionne, les petits chefs et les bureaucrates incompétents prospèrent, personne ne croit vraiment aux satisfecit des discours officiels, l’absurde règne en maître, le système D et le vol sont la règle, l’alcool aide à supporter la réalité…
On rit beaucoup à la vision de cette comédie grinçante qui n’a rien d’un tract politique et tout d’une chronique aussi jubilatoire que désolée. Une désolation que la scène finale reflète sans lourdeur et avec poésie. Bien sûr, tout cela ne plut pas du tout au régime communiste. Un an plus tard, les chars et les soldats du Pacte de Varsovie mettront fin au Printemps de Prague. Milos Forman, de passage à Paris à ce moment-là, ne rentrera pas dans son pays asservi et s’exilera aux Etats-Unis où la carrière que l’on sait – de Vol au-dessus d’un nid de coucou à Amadeus – l’attendait.
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