Pour un tel célébrissime melodramma buffo en deux actes, il faudra bien deux distributions et huit représentations pour contenter un public toujours aussi avide de ce chef d’œuvre du “grand panda fainéant“, le dénommé Gioacchino Rossini. Compositeur majeur, à la fois populaire et énigmatique, plutôt excentrique et éclectique dans l’écriture, né un …29 ! février 1792, corniste de formation, il écrit son premier opéra à l’âge de dix-neuf ans, débutant alors une fulgurante carrière de faiseur d’opéra, qu’il arrête net à trente-sept ans laissant une trentaine d’ouvrages lyriques entre opéra seria et opéra buffa.
En treize jours, il trousse son Barbiere auquel il donne force et folie, par un délire d’accumulations et de crescendos saisissants, que le public de la première le 21 février 1816 ne goûtera pas du tout, tout acquis alors à la cause du concurrent Paisiello. Le sort de ce dernier et de son propre Barbier sera réglé dès le lendemain et le succès retentissant de Rossini jamais démenti depuis.
« Un vieillard amoureux prétend épouser demain sa pupille ; un jeune amant plus adroit le prévient, et ce jour même en fait sa femme, à la barbe et dans la maison du tuteur. Voilà le fond, dont on eût pu faire, avec un égal succès, une tragédie, une comédie, un drame, un opéra, et caetera. L’Avare de Molière est-il autre chose ? Le grand Mithridate est-il autre chose ? Le genre d’une pièce, comme celui de toute autre action, dépend moins du fond des choses que des caractères qui les mettent en œuvre. » Ainsi écrit Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, horloger, brasseur d’affaires, diplomate, dramaturge, philosophe et aventurier, musicien à ses heures, l’entreprenant personnage auteur de la pièce dont est tiré le livret, Le Barbier de Séville ou La précaution inutile.
Mais si l’intrigue du Barbier est bien un des thèmes les plus rebattus de la tradition comique, peu importe car le choix du livret est très heureux. En quelques jours, Rossini va composer pour les personnages qui l’animent, les airs les plus fous, aussi bien pour l’amoureux, Lindoro – Il Conte Almaviva –, que pour le barbon Bartolo et son ami Don Basilio, sans oublier le valet et barbier Figaro, spirituel, audacieux et aventurier, qui sait son monde et en dénonce les injustices, à la fois l’héritier de l’Arlecchino italien, du Scapin de Molière et de l’Arlequin de Marivaux. C’est la voix de Beaumarchais. Quant à l’élément central, c’est bien la femme “rossinienne“, ici Rosina, très habile à manier les fils de l’intrigue, qui se joue de son vieux tuteur, manipule le valet, finaude avec son soupirant, afin d’arriver à ses fins, épouser tout simplement celui dont elle s’est éprise.
Invité régulier du fameux Festival Rossini de Pesaro, le chef Gianluigi Gelmetti dirige une production italienne éprouvée du metteur en scène Stefano Fizioli, créée au Festival de Ferrare en 1995. Dans la fosse, les musiciens de l’ONCT auront à cœur de mener au triomphe toujours, cette œuvre, toute de finesse, de gaieté mordante, d’une seule coulée vitale et ardente, d’un tournoiement vertigineux d’airs, de récitatifs, d’ensembles (ah, le superbe sextuor plus choeur du second acte !) …
Michel Grialou
du 18 au 27 mars – Théâtre du Capitole