Depuis le mois de février 2024, les visiteurs du musée Aéroscopia peuvent s’essayer à une nouvelle expérience en réalité virtuelle. Baptisée Alpha-Sierra, l’activité permet de survoler l’agglomération toulousaine à bord d’un avion de voltige, sous la supervision de la pilote Fanny Viallard. Culture 31 s’est entretenu avec la championne de France de voltige.
Culture 31 : Alpha-Sierra permet de vivre une expérience en réalité virtuelle à bord d’un avion de voltige, l’Extra 300. Quelles sont les différences majeures entre ce type d’aéronef et les avions de tourisme ?
Fanny Viallard : Dans un avion de voltige, on va prendre ce qu’on appelle des G. Du facteur de charge. Ça va être la gravité qu’on peut subir, jusqu’à 10G. Donc 10 fois notre poids, pour schématiser. Même chose en négatif, donc une force antigravitationnelle. Et ça, on ne peut pas le prendre sur des avions de tourisme. On va avoir des ailes et des avions qui sont renforcés, construits différemment, et vont avoir un rapport poids/puissance différent. Ce sont généralement des avions biplaces ou monoplaces, et ça ne va pas être des avions confortables pour le voyage.
Leur conception est faite pour travailler sur des courtes périodes d’une vingtaine de minutes et nous permettre d’avoir ce qu’on veut là où on veut en terme d’ergonomie, être positionné pour supporter au mieux le facteur de charge. Donc c’est une position un petit peu spéciale, qui est différente d’un avion de tourisme. Après, ce sont des avions avec un rapport poids/puissance qui est super intéressant, donc beaucoup plus puissants, beaucoup plus nerveux, qui tournent très vite. On ne cherche pas la stabilité d’un avion de tourisme. On va justement rechercher l’instabilité et la nervosité sur de la voltige.
Il paraît que leur surnom est le formule 1 des airs. Ce qualificatif te plaît ?
Oui, bien sûr ! En fait, on le dit souvent. Ce sont des avions tellement performants pour ce qu’on leur demande de faire. La F1 du ciel, c’est aujourd’hui les avions sur lesquels on évolue en catégorie monoplace. C’est l’équivalent d’une F1. Et c’est un peu le même rendu, même si ce n’est pas le même pilotage du tout, ni la même préparation avant le vol. Comme un pilote de F1, on va prendre des G, il faut qu’on soit concentré, et puis ça reste un sport et non une « activité de loisir ».
Pendant l’expérience, tu es l’instructrice de vol des visiteurs. En quoi consiste exactement ton rôle ?
Je représente l’instructrice de l’aéro-club Alpha-Sierra, l’aéroclub du musée Aeroscopia. L’objectif est de préparer les personnes novices dans le domaine à l’expérience. Donc expliquer à quoi s’attendre, quel avion elles vont découvrir. Parce que ce n’est pas un avion qu’on voit tous les jours. L’Extra, il n’en reste qu’une petite dizaine en France. Ce sont des avions rares et exigeants. Le but est donc de s’habituer – après avoir peut-être fait du flight simulator – à aller au bout de l’expérience avec de la 4D, se projeter dans le cockpit de l’avion et vivre pleinement la chose.
Grâce à la réalité virtuelle, le public va vivre une expérience proche du ressenti des pilotes. Comment ce côté immersif se matérialise-t’il pendant l’animation ?
La chance d’avoir la réalité virtuelle, c’est de pouvoir évoluer en 4D comme nous on évolue dans l’avion. Ça veut dire avoir un circuit visuel, pouvoir visualiser les instruments, pouvoir tourner la tête et voir ce que nous aussi on regarde dehors. On tourne beaucoup la tête. En France, c’est à gauche pour regarder le triangle qui est sur le bout d’aile. C’est une sorte d’équerre qui est fixée à l’aile et qui permet de travailler la verticalité, les lignes à 45 degrés. En fait, on va vraiment utiliser les repères extérieurs pour avoir des points de rotation autour et des lignes parfaites. Comme c’est en 4D, ça ne va pas seulement être comme sur un écran, à faire du flight simulator avec des souris ou un joystick. Là, on va vraiment voir les mêmes choses que le pilote de voltige dans son avion.
Quelles sont les figures de voltige que tu préfères réaliser ?
Les figures que j’aime bien, ce sont les figures gyroscopiques. Là on utilise le couple moteur, le gyroscope en fait. J’aime beaucoup les ruades. La queue de l’avion fait une cuplette, une roulade. La queue passe au niveau du nez de l’avion donc ça tourne sur un plan peu habituel, ce n’est pas un tonneau. C’est une figure qui est très sympa et pas commune. Ce n’est pas une manière de se déplacer qui est naturelle. Ça va être celle-là en freestyle. Puis après tout ce qui est déclenché. Des figures plus basiques, où ça va être des décrochages dynamiques. L’avion va partir en espèce de tonneaux très rapides et décrocher. Donc ça fait des sensations bien sympas !
Est-ce que la peur disparaît à force d’entraînement ou bien la tension reste la même à chaque fois au moment de faire ces figures ?
Je pense que, pour être un bon pilote et un pilote qui évolue en sécurité, la peur doit toujours exister même si elle est minime. Il ne faut jamais être en confiance car c’est là où on perd toute notion de sécurité et de danger. On n’est pas dans un environnement naturel pour l’Homme, donc il faut toujours bien prendre du recul sur la situation, rester humble au maximum vis-à-vis de nos performances, des performances de l’avion et de nos ressentis. Après, le stress, ça se gère. On apprend à le gérer. On fait de la préparation mentale, des méthodes de relaxation, de l’hypnose… En fait, on a tous des méthodes un petit peu différentes.
Propos recueillis par Inès Desnot