La saison 2022-2023 des concerts de musique de chambre des Clefs de Saint-Pierre, animée par les musiciens de l’Orchestre national du Capitole, s’achevait en beauté ce 3 avril dernier. La seule partition inscrite ce soir-là au programme, est incontestablement un chef-d’œuvre du plus sensible, du plus touchant des grands compositeurs romantiques. Les musiciens réunis pour cette rencontre ont ainsi rendu un bel hommage à Franz Schubert.
Son Octuor pour vents et cordes op. 803 en fa majeur date de 1824, quatre ans avant sa mort survenue à l’âge de 31 ans. Dans cet octuor de forme symphonique Schubert se veut clairement l’héritier de Beethoven qu’il vénérait et qui est l’auteur d’un Septuor écrit entre 1799 et 1800, considéré comme un modèle. Les deux œuvres sont composées pour les mêmes instruments, ceux du quatuor à cordes associés à la clarinette, au cor, au basson et à la contrebasse. Néanmoins, alors que Beethoven n’utilise qu’un seul violon, Schubert intègre les quatre instruments du quatuor à cordes. L’architecture des deux pièces obéit à la même symétrie quasi parfaite et comporte les mêmes six mouvements structurés dans un ordre similaire.
Ce soir-là, les six mouvements de cet Octuor sont interprétés par Marianne Puzin et Jean-Baptiste Jourdin, violons, Claire Pelissier, alto, Elise Robineau, violoncelle, Damien-Loup Vergne, contrebasse, Floriane Tardy, clarinette, Marion Lefort, basson et Benoit Hui, cor. On retrouve dans leur jeu commun cette belle cohésion probablement liée à leur pratique de l’orchestre. En revanche, la différenciation des timbres et des couleurs instrumentales complémentaires renforce la richesse sonore de l’expression.
Le premier volet, Adagio – Allegro – Più allegro, génère une ampleur symphonique remarquable. Le dialogue entre les cordes et les vents s’établit immédiatement, comme lors d’une discussion entre amis. La sérénité nostalgique de l’Adagio précède le sourire dansant de l’Allegro vivace.
Dans l’Andante à variations on est frappé par la légèreté et la fantaisie des échanges. Curieusement, le Menuetto s’écoute comme un de ces lieder apaisés dont Schubert balise parfois ses tragédies vocales. Enfin, dans le complexe volet conclusif les musiciens développent une sorte de dramaturgie positive qui conduit de l’inquiétude à la joie.
Tout au long de ces six étapes vers un bonheur inattendu, on observe la formation de plusieurs couples instrumentaux pleins de séduction. Ainsi, le premier violon et la clarinette semblent se lancer quelques défis virtuoses (bravo aux deux musiciennes !), alors que le basson et le cor devisent côte à côte. Le registre grave des cordes, violoncelle et contrebasse, prend parfois une ampleur impressionnante, en particulier lors des profonds pizzicati de la contrebasse.
Les six étapes de l’œuvre se succèdent dans une atmosphère d’une vitalité expressive à laquelle Schubert ne se laisse que rarement aller. Cette vitalité déclenche une belle ovation du nombreux public présent dans l’auditorium. Les musiciens accordent alors un bis particulièrement original : la transcription pour octuor de l’un de plus célèbres lieder de Schubert, son Ave Maria. L’auteur imaginatif de cette transcription sur mesure n’est autre que Christopher Waltham, longtemps membre du pupitre de violoncelle de l’Orchestre national du Capitole et présent ce soir-là. Bravo à lui pour cette version intelligente et sensible de cette partition emblématique !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse