Une fois encore, l’opéra sacré le plus célèbre du répertoire romantique a fait vibrer la Halle aux Grains de ses accents contrastés. La fameuse Messa da Requiem de Giuseppe Verdi était inscrite au programme du concert du 31 mai donné par l’Orchestre national du Capitole placé cette fois sous la direction du chef finlandais Jukka-Pekka Saraste. Le grand chœur de l’Orféon Donostiarra était le compagnon habituel de la phalange toulousaine qui accueillait également un quatuor de solistes aguerris.
Jukka-Pekka Saraste retrouve ce soir-là l’Orchestre national du Capitole après vingt années d’une première rencontre, le 18 octobre 2002. Il avait notamment dirigé à cette occasion la Symphonie n° 5 de son compatriote Jean Sibelius.
Sa vision du Requiem s’inscrit dans un déploiement orchestral qui cultive les contrastes. Ainsi, les premières notes émergent d’un silence à peine soutenu par le murmure du chœur que les interventions solistes viennent rompre. Toute cette première section (nominativement Requiem) donne la parole aux quatre solistes. Le ténor espagnol Airam Hernández, la basse polonaise Adam Palka et la mezzo-soprano française Aude Extrémo sont rejoints par la soprano bavaroise Susanne Bernhard qui remplace, quasiment au pieds levé, l’Américaine Rachel Willis-Sørensen, empêchée. Qu’elle en soit remerciée !
Les accents du Dies Irae qui suit cette introduction emplissent la salle de leurs imprécations apocalyptiques. L’ampleur sonore que déchaîne le chef impressionne lors de chaque reprise de cet épisode spectaculaire, même si l’acoustique un peu sèche de la Halle atteint là la limite de la saturation. Dans toute la suite de l’œuvre, la direction de Jukka-Pekka Saraste s’attache à différencier les uns des autres les épisodes de la messe. Les interventions spectaculaires des cuivres dans le Tuba mirum se font échos entre le plateau et les hauteurs de la Halle où sont installés les ensembles dits de coulisse. Le timbre noir de la basse émerge avec ardeur de ces échanges, comme lors de l’autoritaire Confutatis.
Les voix solistes s’avèrent bien différenciées et caractéristiques de chaque intervention. Le chant nuancé à l’extrême du ténor Airam Hernández excelle autant dans la vaillance que dans le raffinement. On l’admire dans le très attendu Ingemisco, mais également dans l’introduction en voix mixte du Hostias. La basse Adam Palka comme la mezzo-soprano Aude Extrémo se distinguent par une projection bien affirmée qui surmonte les déferlantes de l’orchestre comme celles du chœur.
La soprano s’affirme peu à peu tout au long de la soirée. Son sens des nuances est remarquable et son timbre lumineux se marie bien avec celui bien cuivré de la mezzo-soprano, en particulier dans le sublime Agnus Dei. Comme en atteste sa longue collaboration avec l’ONCT, le chœur de l’Orféon Donostiarra s’acquitte avec ferveur et précision de sa contribution à cette exécution dynamique et d’une implacable précision.
Les applaudissements chaleureux qui l’accueillent s’adressent autant aux solistes, au chef invité, à l’orchestre qu’au chœur et à son directeur Antonio Sainz Alfaro. Rappelons que ce même programme est présenté le lendemain 1er juin à la salle de la Philharmonie à Paris, salle dont l’acoustique devrait certainement magnifier l’exécution.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse