Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Rosemary’s Baby de Roman Polanski
Rosemary’s Baby est avec Psychose d’Hitchcock et Shining de Kubrick l’un des films d’horreur les plus marquants de l’histoire du cinéma. Ils ont en commun de jouer sur la suggestion plutôt que sur les effets, d’en montrer le moins possible et de laisser l’imagination du spectateur extrapoler. Autre point commun : les trois œuvres font du lieu où se déroule l’action – le motel des Bates chez Hitchcock, l’hôtel Overlook chez Kubrick et le Dakota Building (rebaptisé Bramford) chez Polanski – un personnage à part entière. Rosemary’s Baby commence comme une comédie romantique ou un « soap opera ». Un jeune couple aménage dans un vaste appartement d’un vieil immeuble de Manhattan. Faisant fi de la sinistre réputation du bâtiment censé avoir abrité des sorciers satanistes au début du XXème siècle, Guy et Rosemary Woodehouse s’installent, redécorent l’appartement, font connaissance avec leurs voisins de palier : Minnie et Roman Castevet, personnes âgées sympathiques et exubérantes. Acteur pour la télévision et le théâtre, Guy s’inquiète de voir sa carrière ne pas décoller. De son côté, Rosemary a hâte d’avoir un premier enfant. L’heureuse perspective se concrétise assez vite, mais la future mère observe des détails étranges et supporte mal les intrusions de plus en plus envahissantes des Castevet…
Démons
Premier film hollywoodien de Roman Polanski, qui signe aussi le scénario d’après le roman d’Ira Levin, Rosemary’s Baby porte les thèmes de prédilection du cinéaste polonais : la claustration, la paranoïa, la folie… Que se passe-t-il autour de Rosemary dont la grossesse provoque amaigrissement, douleurs récurrentes et teint blafard tandis que son mari et les voisins semblent vouloir la couper de son entourage ? Complot ou extrapolation d’une jeune femme fragile ? Dans les rôles principaux, John Cassevetes (également réalisateur, figure déjà importante du cinéma indépendant US) et Mia Farrow (venue de la série télévisée Peyton Place) sont remarquables face à Ruth Gordon (future héroïne d’Harold et Maude) et Sidney Blackmer, inoubliables dans leur composition du couple Castevet.
Sorti en 1968, le film se situe à un moment charnière de l’histoire du cinéma américain (avec les débuts de l’avènement du « Nouvel Hollywood ») et de l’histoire de l’Amérique taraudée par ses tensions internes (guerre du Vietnam, violence politique, mouvements de contestation et d’émancipation…). Polanski met en scène cette angoisse à travers un couple ordinaire confronté – au sens propre et figuré – à ses « démons intérieurs ». Un an plus tard, le survivant du ghetto de Cracovie sera rattrapé par le Mal et des meurtriers satanistes qui assassinèrent son épouse Sharon Tate, alors enceinte, dans leur villa de Los Angeles, mais c’est une autre histoire…
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