Mon premier article sur la flûte enchantée s’appuyait surtout sur le point de vue de la musique avec le chef Frank Beermann, et tout autant sur le côté du théâtre, capital ici, avec Pierre Rigal chargé de la conception, de la mise en scène et de la chorégraphie, assisté d’une équipe artistique conséquente et diverse de collaborateurs. On remarque que les Chœurs du Capitole ont renoué avec leur ancien directeur pour l’occasion Patrick Marie Aubert.
Relire donc si nécessaire mon précédent article.
Ainsi, le 30 septembre 1791, deux mois avant de mourir à trente-six ans, Wolfgang Amadeus dirige son ultime opéra, ce singspiel enchanteur, subtil équilibre entre fête populaire rêvée et brûlant chant d’espoir. Ainsi, ce sera-t-il laisser gagner par cette féérie dans laquelle on ne cesse d’entendre résonner trois coups, comme ceux accompagnant l’intronisation en loge maçonnique. Sous l’emprise du chiffre trois, ce conte musical, naïvement ludique, est une parabole lyrique qui exalte fraternité, amour conjugal et vertus de la musique. La mise en scène se doit d’être fidèle au compositeur dont les symboles de la foi maçonnique seront omniprésents tandis que la direction d’orchestre nous conduira vers la Lumière, la victoire finale de l’humain, clef de l’ensemble des symboles de cette Flûte. Frank Beermann aura tout au long de l’ouvrage, à cœur de soutenir la moindre note. Et, surtout côté chant car, quel que soit le chanteur ou chanteuse, on entend bien que Mozart ne leur a pas simplifiés la tâche. Certains passages se révèlent plutôt périlleux. Singspiel d’accord, mais c’est Mozart tout de même !
Pour la plupart des rôles principaux, il y aura deux distributions tout au long des neuf représentations.
Sur le plan humain, la Flûte est une œuvre qui se meut dans les trois seuls cercles possibles de toute aventure précisément humaine : celui du mal absolu, celui du bien absolu, et bien sûr, celui de la relativité des êtres, évoluant entre ces deux pôles extrêmes. Il faut bien rajouter les incertitudes et les contradictions à vaincre. Prenons le cas de la Reine de la Nuit qui ne pense qu’à détruire le royaume de la lumière, c’est tout de même une mère dont l’amour pour sa fille Pamina est profond et authentique, même s’il se lie à l’action destructrice du feu. La Reine, c’est Serenad Uyar ou Marlène Assayag, voix de soprano plutôt colorature, ou capable de.
Pamina, c’est Anaïs Constans ou Marie Perbost, sopranos. La clef de l’ensemble des symboles , c’est elle qui permet de comprendre que ce soit la Reine de la Nuit qui remette à Tamino la flûte lui permettant de passer partout, de vaincre tous les obstacles sur le chemin de son initiation. Tamino, c’est le jeune prince égyptien égaré dans le royaume de la Reine, poursuivi par un serpent et sauvé par les trois Dames. Tamino est pour voix de ténor, Bror Magnus Tædenes ou Valentin Thill. Les dames, Andreea Soare, Irina Sherazadishvili, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur.
Dans le royaume, est présent le bavard oiseleur, Papageno, Philippe Estephe ou Kamil ben Hsaïn Lachiri, voix de baryton (voir son portrait dans le premier article). La Reine montre le portrait de sa fille à Tamino, qui tombe aussitôt amoureux. Elle le somme de la lui ramener, maintenue en ce moment prisonnière de Sarastro. Elle lui donne la flûte, à Papageno qui doit l’accompagner, les clochettes ou glockenspiel, et tous deux partent, guidés par les trois garçons, Solistes de la Maîtrise du Capitole.
Sarastro, grand prêtre d’Isis et Osiris, est le roi du pays de la lumière. Rôle pour voix de basse : Nika Guliashvili ou Christian Zaremba. Bizarrement, il veut tuer en Pamina, qu’il retient prisonnière, l’amour qu’elle porte à la mère nocturne. Au service de Sarastro, un Maure, Monostatos pour voix de ténor, Paco Garcia. Il garde prisonnière, plus particulièrement, Papagena, soprano, Céline Laborie que Papageno a bien sûr tout de suite repérée. Etc……
Entouré, guetté, happé par la mort, l’humain ne doit avoir en effet pour mot d’ordre que l’amour. C’est pourquoi celui que se vouent Tamino et Pamina doit être éprouvé dans tous les sens du terme. D’où les épreuves de la séparation, du silence, du feu et de l’eau.
La flûte de Tamino, les clochettes de Papageno sont les âmes humaines qui réussissent à dissiper les miasmes de la nuit comme l’aveuglement du seul soleil. C’est le triomphe de l’homme sur les forces de la haine comme sur celles de l’orgueil. Tamino et Pamina, Papageno et Papagena, ce sont les couples, l’harmonie gagnée au bout des routes de la solitude. On pourra repérer le côté céleste de la musique à travers le Tamino d’avant l’initiation. Son caractère démoniaque quand elle doit exprimer l’âme de la Reine, c’est-à-dire l’âme de la nuit. Elle devient miraculeusement humaine pour dire l’amour de Tamino, ou la douleur de Pamina, et la joie des deux trublions Papageno et Papagena, sa future épouse. La musique est l’âme du monde sous toutes ses incarnations.
Il semblerait que celle de La Flûte enchantée ait un effet tout à fait bénéfique par avance sur le public puisque les neuf représentations sont prises d’assaut !!