Depuis le 19 mai dernier, les salles de concert peuvent enfin accueillir un public assoiffé de musique vivante. Le 22 mai, c’était à la belle saison de Toulouse Guitare d’ouvrir cette nouvelle libération culturelle. Le splendide écrin de la chapelle des Carmélites recevait, pour le dernier concert de cette saison, la guitariste italienne Carlotta Dalia dans un programme musical original et très ouvert sur un répertoire aussi riche que divers.
Cette troisième saison de Toulouse Guitare, gravement affectée par les aléas sanitaires, retrouve donc enfin le contact avec une audience, certes clairsemée du fait des contraintes nécessaires, mais visiblement heureuse de participer physiquement à cette célébration. La jauge imposée de 35 %, qui s’avère vite atteinte dans cette précieuse chapelle, s’accompagne d’une fébrilité perceptible de chaque spectateur.
Comme la jeune tradition de ces concerts l’a établi, ce concert du samedi 22 mai accueille en ouverture un jeune guitariste, élève du Conservatoire de Toulouse, qui a ainsi la possibilité de se confronter à un public et de se faire mieux connaître. Le jeune musicien, Aimé Vu, est ainsi accueilli par une salve chaleureuse d’applaudissements. Les quatre pièces jouées témoignent d’un tempérament musical particulièrement sensible de l’interprète. En atteste immédiatement l’exécution soignée de Elégie du compositeur autrichien du XXème siècle Johann Kaspar Mertz. Aimé Vu en exprime avec émotion le sentiment douloureux. Après le Prélude BWV 998 de Johann Sebastian Bach, mesuré et étale, l’Invierno Porteño d’Astor Piazzolla, ainsi que la pièce Valseana, de Sergio Assad, extraite du cycle « Aquarelle », prolongent ce sentiment nostalgique qui imprègne toute la prestation du jeune musicien.
L’apparition de la grande guitariste italienne Carlotta Dalia suscite là aussi une nouvelle salve heureuse d’applaudissements. Le programme de sa prestation illustre la large palette expressive de cette artiste exemplaire. La dynamique de sa riche sonorité, les couleurs de son toucher se manifestent dans la variété des contrastes et la clarté de la polyphonie de son jeu. La virtuosité dont fait preuve son exécution limpide de la Sonate K 14 de Domenico Scarlatti s’accompagne d’une belle transparence de la trame. La deuxième pièce jouée constitue peut-être un sommet expressif de ce concert. Le Gran Solo op. 14 de Fernando Sor est abordé avec un sens implacable du drame. Carlotta Dalia en expose le contenu expressif avec l’intensité d’un air d’opéra. Un grand moment !
La pièce Hika, du compositeur contemporain Leo Brouwer, sous-titrée « In Memoriam Toru Takemitsu », emprunte son langage musical à celui du grand compositeur japonais disparu. Le recueillement s’impose de lui-même. Après une nouvelle exécution très personnelle de l’Invierno Porteño d’Astor Piazzolla (en écho avec celle d’Aimé Vu), une profonde méditation imprègne la très belle Sarabande BWV 1004, extraite de la deuxième Partita pour violon seul de Johann Sebastian Bach, habilement transcrite pour la guitare. Le programme initial s’achève avec deux extraits des 24 Capricci de Goya de l’Italien du XXème siècle Mario Castelnuovo-Tedesco : les Capricci XX et XVII. L’illustration musicale des tableaux de Goya voulue par le compositeur s’accompagne d’un sens de l’éloquence que traduit admirablement le jeu de l’interprète.
L’accueil chaleureux du public réclame et obtient un prolongement du concert avec une nouvelle pièce originale de Mario Castelnuovo-Tedesco. Une surprise attend encore l’assistance avec un deuxième bis. Cette fois, Carlotta Dalia reparaît accompagnée de Thibaut Garcia lui-même, le fondateur de cette saison Toulouse Guitare. Un apparition saluée comme il se doit ! Les deux musiciens prennent cette fois un chemin de traverse en illustrant une chanson… des Beatles ! Belle démonstration d’universalisme…
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse