Ça y est, ils l’ont fait ! Édouard Philippe et le gouvernement ont annoncé ce jeudi que les bars et restaurants allaient rouvrir leurs portes le 2 juin prochain. Reste à savoir quelles formes d’exploitation commerciale offriront ces établissements du “nouveau Monde”… Car oui, le Covid va laisser des traces, et pas seulement économiques : certaines adaptations adoptées pendant la crise sanitaire pourraient même s’imposer et… l’emporter !
Alleluia. Ami(e)s tenancier(e)s d’établissement, vous pouvez souffler (mentalement) et rallumer enfin les fourneaux. Remettez un peu d’ordre, dresser vos tables et surtout astiquer les coins et recoins de vos commerces, c’est reparti : les toulousain-es ont à nouveau l’autorisation de boire un café et/ou déjeuner à table.
Cette excellente nouvelle a été accompagnée par deux autres (ou plutôt deux en une) : ces prochains mois, les terrasses devraient (on attend des décisions du Capitole) pouvoir s’étendre un peu plus que d’habitude sur les trottoirs.
En effet, à l’instar de nombreuses autres métropoles, la mairie de Toulouse devrait autoriser cafetiers et restaurateurs à compenser la distanciation sanitaire imposée par l’État ; laquelle, finalement, ne reposera pas sur la règle ubuesque, un temps envisagée, de 4 m2 par client !
C’est la deuxième bonne nouvelle… même si elle sera finalement dommageable pour les couples (illégitimes) qui auraient pu se faire des dîners aux chandelles, dans des “tiny restos” super intimes… de 4 ou 6 convives !
Le nouveau resto sera digital !?
Une autre nouvelle, ou plus exactement une évolution, a marqué ce printemps 2020 dans le monde de la restauration. Quoi qu’on en pense, le coronavirus a mis un coup de boost à la digitalisation du secteur !!!
À l’instar du télétravail qui s’est renforcé pendant la crise sanitaire (ah bon !?), la numérisation de la commande gastronomique, suivie d’une livraison à domicile et/ou d’une vente à emporter, ont continué à pénétrer les habitudes… même si ce fût, il est vrai, de manière quelque peu contrainte !!!
Évidemment les grandes chaînes de restauration (rapide) avaient déjà franchi le pas depuis belle lurette. La nouveauté, c’est qu’avec le coronavirus les petits restaurants traditionnels, les vrais, les indépendants, ceux qui proposent de la “nourriture” que l’on savoure en mettant les pieds sous une table (qui n’est pas la nôtre) ou les coudes sur un comptoir (qui n’est pas non plus celui de notre cuisine américaine), sont eux aussi passés à la livraison et à la vente à emporter.
La vente à emporter en vedette américaine
Disons-le très clairement, c’est cette dernière solution qui a eu le plus gros succès auprès des “petits restaurateurs”. Il faut dire que la livraison chez le client demande, soit de disposer d’un salarié (avec de gros mollets) ayant accepté de faire du service à vélo, soit de pactiser avec le diable : c’est-à-dire travailler avec l’une des grosses enseignes de la livraison à domicile (qu’on ne présente plus). Des adeptes de l’emploi précaire qui prélèvent entre 25 et 35% du montant de la commande au passage !
Le choix de la vente à emporter s’est aussi imposée au vu d’un potentiel commercial existant plutôt séduisant. C’est ainsi qu’en 2019 (avant que le vilain virus ne nous attaque), une enquête NPD Group montrait qu’avec 323 millions de visites et un volume d’affaires de 2,1 milliards d’euros, la vente à emporter avait piqué la première place à la livraison à domicile (247 millions de visites), pourtant elle aussi en forte croissance.
Voilà donc pourquoi le cassoulet (ou autre met délicat) à récupérer au drive (non je plaisante mais c’est une idée !) pour s’empiffrer chez soi, est devenu la formule sur laquelle plusieurs restaurateurs indépendants se sont rabattus pour “sauver les meubles”. Et a priori, sans casser la baraque non plus, ça a marché. C’est en tous cas vrai pour les établissements toulousains qui l’ont expérimentée sous différentes formes.
Certains ont utilisé les réseaux sociaux pour faire passer l’info de ce “service minimum” et permettre aux gens de passer commande… (un peu) à l’ancienne. C’est le cas du chef Tournié aux Jardins de l’Opéra. D’autres ont profité de la situation (si on peut dire) pour investir dans une application de Click & Collect – la vente à emporter la plus évoluée ! Ce fût le cas des P’tits Fayots, dont le boss a opté pour une solution développée par une start-up toulousaine (Airmob).
Pourquoi continuer à manger au restaurant… chez soi ?
Vous l’aurez compris, la vente à emporter a été une bouée de sauvetage pendant la crise, ce qui laisse penser que cette forme pourrait perdurer après le 2 juin. Pourquoi ?
C’est déjà une adaptation aux moeurs sociétales et commerciales : les millenials (en gros les générations nées après 2000) sont évidemment les plus enclins à acheter leurs plats en ligne, puis à se les faire livrer ou à les emporter chez eux. Certes ce sont pour l’instant essentiellement des pizzas et des nems, mais on peut imaginer qu’avec le temps ils affineront leurs palets… tout en continuant à apprécier la consommation at home. [Ndlr : espérons que non !]
Pour autant le petit plat dégusté, avec paresse, devant la console de jeux ou la dernière série Netflix ne devrait pas être l’unique motivation des clients de demain (le 3 juin). Il devrait tenter d’autres profils, d’autres catégories d’âge.
Bien que les derniers sondages montraient que 55% des Français étaient favorables à la réouverture des bars et des restaurants, il n’empêche que le nombre de personnes un peu stress, voire carrément flippées (sans parler des hypocondriaques) n’est pas négligeable. Celles et ceux qui ne se précipiteront pas dans les restos du centre-ville risquent d’être encore nombreux.
Il faut avouer qu’en observant l’attitude de certaines personnes lorsqu’on les croise d’un peu trop près dans des rayons de supermarché, on voit mal comment elles pourraient s’asseoir dans un lieu ou d’autres personnes ouvrent la bouche pour ingérer des aliments !!! Pas plus que d’autres apprécieront de déjeuner ou dîner dans une ambiance proche d’un couloir de CHU… avec des serveurs masqués (consigne sanitaire à confirmer). Et ces réticences n’ont rien de générationnelle !
Le resto sera toujours le resto…
Les solutions à base de commande digitale (en Click & Collect ou par réseau social interposé) devraient donc perdurer encore un certain temps, voire séduire une nouvelle clientèle. Tant mieux pour les restaurateurs : ce sera un revenu complémentaire.
Toutefois… de mon point de vue, si manger un plat confectionné avec amour par un grand ou un petit chef sur son canapé n’est pas une mauvaise chose en soi (c’est toujours mieux que d’ouvrir une boîte de raviolis), la restauration à emporter ne permettra jamais d’emmener Le Restaurant chez soi.
Qu’on se le dise bien, le service, la gouaille du serveur (ou de la serveuse), le digestif offert par la patron (ou la patronne), la convivialité… la théâtralité du lieu ne seront jamais compris dans ces formules hors salle.
Certes le virus aura mis le secteur à genoux et l’aura obligé à entamer une mutation que certains regretteront, mais il y a fort à parier qu’il ne sera pas suffisamment fort pour décaniller la Culture (bien franchouillarde) de la table.
Soyons persuadés que les Français et les Françaises reposeront rapidement leurs petits fessiers sur les chaises de leurs restos préférés… qu’ils soient jeunes ou vieux, têtes brûlées ou hypocondriaques, fines gueules ou avales-tout… ils s’attableront à nouveau.
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