Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre à redécouvrir.
Il faut suivre le prolifique Jérôme Leroy. A peine a-t-il publié en janvier Un effondrement parfait, très beau récit en forme d’autoportrait, que le revoici en librairie avec La Petite fasciste, roman noir politique, l’un des genres de prédilection de celui qui est également poète et auteur de livres pour la jeunesse. Nous sommes dans les Flandres françaises alors que la République vacille. La situation politique et sociale est explosive. Les dissolutions de l’Assemblée se succèdent. En coulisses, des clans et des factions s’agitent tandis que des émeutes en banlieues et des manifestations quasi insurrectionnelles participent au chaos. Toute ressemblance avec des faits réels n’est pas fortuite.

Jérôme Leroy © Pascal Ito / La Manufacture des livres
Député socialiste du Nord, Patrick Bonneval s’apprête à repartir en campagne lors des nouvelles législatives. Son nom circule dans des sphères influentes et officieuses comme celui d’un possible recours à Matignon. Mais à soixante ans, Bonneval sent « la proximité de la vieillesse et de la mort, du temps qui reste ». Surtout, une improbable rencontre avec Francesca Crommelynck, militante identitaire de vingt ans et fille d’un responsable local du Bloc Patriotique, le parti d’extrême droite aux portes du pouvoir, va changer sa vie…
Coup de foudre et coups de feu
Les lecteurs de Jérôme Leroy retrouveront dans La Petite fasciste (un titre qui aurait pu être celui d’un roman d’ADG) des personnages croisés dans Le Bloc et L’Ange Gardien, deux polars de belle ampleur parus à la Série Noire. Pour autant, l’intrigue déployée ici n’exige pas d’avoir lu les ouvrages précités. Un narrateur omniscient, manière de démiurge malicieux, nous entraîne au cœur d’un récit – et de ses ramifications – parfaitement composé. A son habitude, Jérôme Leroy mêle les tons, varie les registres, pratique le pas de côté poétique et l’uppercut, force sur l’épouvante, fait entendre une petite musique mélancolique.
Chez lui, coup de foudre et coups de feu vont de pair. Un tueur à gages s’invite dans la partie. L’Etat profond tisse sa toile. Et si l’amour était la dernière forme de sédition absolue ? « Un des plaisirs les plus subtils des amants est de comploter contre le reste du monde, de franchir des lignes, d’inventer des camouflages pour devenir introuvables et injoignables », écrit Leroy. Son éloge de la fuite est une affaire de style autant que de morale.
La Petite fasciste • La Manufacture des livres