De Nile Rodgers à Herbie Hancock en passant par Ibrahim Maalouf ou Marcus Miller : tour d’horizon (non-exhaustif) des artistes qui vont enflammer le JIM du 22 juillet au 6 août.
Cela fait longtemps que le festival Jazz in Marciac brille par son éclectisme et son ouverture. L’édition 2022 ne déroge pas à la règle avec notamment un 23 juillet placé sous l’égide du funk. En effet, on pourra assister à une performance de The New Power Generation, le groupe qui accompagna Prince des années durant sur scène comme sur disque, ainsi qu’au concert de Nile Rodgers et Chic. Le guitariste Nile Rodgers et son ami bassiste Bernard Edwards (décédé en 1996), avec lequel il créa le groupe (dont l’ambition était de « développer un nouveau son, au croisement du jazz, de la soul et des grooves funk, avec des mélodies et des paroles sous influence plus européenne »), ont composé quelques-uns des plus gros hits des années soixante-dix (Everybody Dance, Le Freak, Good Times…) sous la bannière Chic, mais aussi des tubes pour Sister Sledge (We Are Family, le magnifique Thinking of You) ou Diana Ross (Upside Down).
Comme producteur, Nile Rodgers fut aux manettes de deux disques marquants des années 1980 : Let’s Dance de David Bowie et Like a Virgin de Madonna. On retrouva aussi le musicien sur des enregistrements de Mick Jagger, Eric Clapton, INXS, Duran Duran, Nougaro, Al Jarreau, David Sanborn… N’oublions pas sa participation décisive au Random Access Memories de Daft Punk où résonne la guitare de Nile Rodgers sur trois morceaux qu’il a coécrits dont Get Lucky. Bref, c’est une légende de la pop qui sera à Marciac pour un concert que l’on devine déjà brûlant.
La guitare de Jeff Beck et la basse de Marcus Miller
Autre guitariste de légende présent dans le Gers : Jeff Beck (24 juillet). Il a fait partie des Yardbirds, a brillé en solo ou avec le Jeff Beck Group, a collaboré avec les plus grands. Surtout, il a excellé dans de multiples styles (blues, rock, jazz-rock…) et son rejet des chapelles musicales en fait un invité idéal à JIM.
Restons dans les instrumentistes de génie en compagnie de Marcus Miller (26 juillet), bassiste, compositeur, arrangeur et producteur dont les premiers coups d’éclats eurent lieu auprès de Miles Davis, d’abord comme sideman – sur disque et en tournée – puis comme maître d’œuvre de l’album Tutu, quasi intégralement composé par le bassiste. Le titre éponyme, Splatch ou Portia deviennent ainsi de nouveaux standards du trompettiste. Après la bande originale du film Siesta, les deux hommes signent en 1989 un autre chef-d’œuvre, Amandla, ultime disque de Miles. La disparition du maître en 1991 verra Miller se transformer en une sorte d’héritier ne cessant d’interpréter son répertoire à l’image par exemple de la tournée et de l’album Tutu Revisited. Quant à la carrière solo de Marcus Miller, elle brille là encore par la variété de ses inspirations, le maître du « slap » n’hésitant jamais à rendre hommage à la pop comme aux maîtres du jazz.
Herbie Hancock, un morceau d’histoire du jazz
A l’instar de Marcus Miller, Herbie Hancock s’est déjà produit à Marciac, mais le passage de l’artiste (27 juillet), qui incarne une part de l’histoire du jazz, est toujours un événement. Plus grand pianiste en activité avec Keith Jarrett, il a d’abord été du mythique quintette de Miles Davis avec Wayne Shorter, Ron Carter et Tony Williams. Juste avant, en 1962, Herbie Hancock enregistre son premier album en tant que leader, Takin’ Off, et s’offre même un « tube » avec Watermelon Man. D’autres disques, devenus des classiques, vont suivre : Empyrean Isles (qui comprend Cantaloupe Island), Maiden Voyage ou Speak Like a Child en 1968. Quand Miles Davis électrifie sa musique en 1969 dans In a Silent Way et crée le jazz rock, Hancock doit se mettre au clavier électronique. Ce tournant, même s’il quitte Miles dans la foulée, va profondément influencer sa musique.
À partir de 1970, il investit le jazz fusion et le free jazz au gré d’albums expérimentaux marqués par l’utilisation des synthétiseurs puis bifurque résolument vers le funk en fondant le groupe Headhunters qui connaît un vif succès et à propos duquel il dira : « Plutôt que de travailler avec des jazzmen sachant jouer du funk, j’ai travaillé avec des musiciens de funk sachant jouer du jazz». Pour autant, il ne néglige pas le jazz plus classique, acoustique et hard-bop notamment à travers la formation VSOP qui reconstitue le quintette de Miles avec Freddie Hubbard à la place de ce dernier. Jonglant avec les registres, Hancock se permet même de signer des albums lorgnant sur le disco et la pop funky avant de récolter un énorme succès commercial en 1983 avec le titre Rockit, extrait de l’album Future Shock, qui comprend du scratch et annonce la musique électronique. On aura compris que l’artiste était de ceux refusant les frontières et les préjugés musicaux, capables de s’approprier toutes les innovations technologiques ou esthétiques sans jamais renier la tradition.
En témoigne, par exemple, l’album The New Standard en 1996, où il reprend en compagnie de jazzmen chevronnés des tubes pop ou rock (des Beatles à Nirvana !) en version instrumentale. Deux ans plus tard, c’est l’univers de Gershwin qu’il revisite avec un superbe album auquel participe Joni Mitchell. Hancock rendra d’ailleurs hommage à celle-ci en 2007 avec le magnifique River : The Joni Letters. Le disque obtient le prix du meilleur album de jazz contemporain lors de la 50ème cérémonie des Grammy Awards, mais surtout le prix de l’album de l’année (second album de jazz à recevoir cette récompense).
Bref, de par sa formation de pianiste classique, sa curiosité inlassable, son goût des rencontres, Herbie Hancock peut interpréter Ravel ou Kurt Cobain avec le même talent. A Marciac, il sera entouré de Terence Blanchard à la trompette, Lionel Loueke à la guitare, James Genus à la basse et Justin Tyson à la batterie.
Des voix et des surprises
Evidemment, les grandes voix du jazz sont aussi au programme de Marciac 2022 avec des stars comme Diana Krall (22 Juillet), Melody Gardot (24 juillet), Rhoda Scott (28 juillet), Gregory Porter (1er août) ou Jamie Cullum (3 août). Côté pop, on se tournera vers James Blunt (25 juillet) ou Asaf Avidan (5 août).
Les amateurs ne bouderont pas l’inclassable et toujours surprenant Chilly Gonzalez (26 juillet) tant les performances du pianiste canadien ne laissent jamais indifférent. Autre pianiste d’exception : la japonaise Hiromi (4 août) qui se produira en solo. Dans les curiosités que réserve l’édition 2022, signalons l’hommage d’Ibrahim Maalouf à… Henri Salvador (28 juillet). A la fois chanteur populaire et figure du jazz et de la bossa vénérée par Quincy Jones, Salvador permettra au trompettiste franco-libanais, accompagné par The Amazing Keystone Big Band, de livrer à coup sûr un concert inoubliable.
Enfin, pas de festival de Marciac sans Wynton Marsalis. Cette année, le trompettiste sera présent le 2 août puis le 6 août pour un détour par la Nouvelle-Orléans. Bon festival…