CRITIQUE. CONCERT. TOULOUSE. Halle-aux-grains, le 23 avril 2022. W.A. MOZART. A. BRUCKNER. D. FRAY. ONCT. F. BEERMMANN
Mozart-Bruckner une association devenue classique.
Permettant un concert généreux et relativement équilibré, il est courant de proposer un concerto de Mozart précédant une symphonie de Bruckner. Daniel Barenboim pianiste et chef aux succès planétaires, est le grand champion de cette formule. Nous avions pu l’entendre à Paris défendre avec panache cette formule à deux reprises et s’en expliquer dans une table ronde après un concert. Il faut bien constater qu’une symphonie de Bruckner fait encore figure d’évènement dans la programmation des concerts symphoniques, en tous cas en France, car cette musique savante est rare et demande des interprètes de grande qualité.
A Toulouse le public un peu clairsemé en ce premier week-end de vacances scolaires, a fait un beau succès aux artistes en semblant apprécier ce programme. David Fray est un enfant du pays et vient à Toulouse en pays conquis. Toutefois le pianiste tarbais a semblé un peu tendu ce soir. Le chef allemand Frank Beermann avec son allure austère et ses gestes minimalistes a une direction impressionnante. Ainsi le long développement orchestral précédant le 21 ième concerto de Mozart a semblé solidement charpenté et un peu « large ». L’entrée du piano sur un trait de flûte a permis au pianiste la recherche du dialogue chambriste si fondamental chez Mozart. La flûte en bois offrant un son chaud et léger convenant bien au jeu de David Fray. Tempi retenus, son orchestral large je n’ai pas trouvé que cette direction permettait au pianiste de développer au mieux ses habituelles qualités musicales. Le mouvement lent a manqué d’émotion, un beau moment mais comme éteint. Bien sûr les cadences ont été brillantes, le final à toute allure avait beaucoup de panache et au total le concerto le plus aimé de Mozart reste toujours un bien beau moment musical, toutefois la petite touche de grâce attendue n’a pas été présente ce soir.
La septième symphonie de Bruckner, écrite sous le coup de la mort de Wagner, rend un hommage monumental à l’immense compositeur. Frank Beermann qui nous avait régalé par sa direction de Parsifal et Elektra dans la fosse du Capitole n’a pas démérité. Le geste précis et ample permet à la partition gigantesque de se développer. Les sons de l’orchestre sont magiques et chaque famille d’instruments, comme chaque soliste, ont été en parfaite osmose avec cette interprétation grandiose. La précision de la structure est très appréciable, la puissance des crescendi est très spectaculaire ; les cuivres en deviennent presque assourdissants. L’instrumentation en aplats comme des jeux d’orgue, si spécifique de Bruckner, n’a pas été harmonisée et a semblé par trop prévisible : Empilement successif de strates instrumentale terminant par les cuivres, puis arrêt sur image avant de recommencer. Plus qu’une grande ligne avec des phrasés amples cette interprétation a privilégié la mise en lumière des éléments de structure et les enchainements n’ont pas été toujours fluides. Il y a eu comme un manque de dramaturgie et une recherche de musique trop pure. Tout à l’opposé de l’interprétation de chefs comme Barenboim qui dramatise la symphonie. Par ailleurs la dimension spirituelle de l’interprétation de Celibidache restera unique mais la partition fleuve de Bruckner perd de son intérêt sans drame ou spiritualité. Josep Pons le chef catalan voisin s’était comme fourvoyé en 2017 dans Bruckner, mais nous étions au temps des concerts pionniers. La grande démonstration de puissance de ce soir reste spectaculaire et le public, en conformité, a fait une ovation tonitruante au chef et aux musiciens.
Un petit voile de mélancolie a plané sur ce concert comme en une limitation de la joie, par une sorte d’absence en creux. Tugan Sokhiev avait dirigé cette symphonie tout à fait autrement en janvier 2014, ici même…
Critique. Concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 23 avril 2022. Wolfgang-Amadeus Mozart (1756-1791) : Concert pour piano et orchestre en do majeur n° 21, K. 467. Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n°7 en mi majeur, A. 109 ; David Fray, piano. Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Frank Beermann, direction.