Le 10 juillet à 20h à la Halle, ce sera un millier de spectateurs pour une superbe affiche de concert avec notre Orchestre National du Capitole de Toulouse en pleine forme. Il est placé sous la direction d’une nouvelle “coqueluche“ de la direction d’orchestre, le jeune Thomas Guggeis qui nous avait déjà subjugués il y a peu, ici même. Pour sa part, Renaud Capuçon nous livre le Concerto pour violon et orchestre n°2 de Mendelssohn.
Thomas Guggeis et L’Orchestre du Capitole
La fanfare sera en superforme, n’en doutons pas, pour les quatre minutes d’introduction au concert avec Tromba Lontana, petite pièce de John Adams. Il faudrait plus souvent ce genre de morceau en introduction pour mettre nos oreilles en éveil d’une autre manière. À réfléchir. Pour suivre, une Ouverture plus traditionnelle, Les Hébrides qui enthousiasme toujours. Puis le Concerto pour violon et orchestre n°2 de Felix Mendelssohn, un vrai “tube“ pour Renaud Capuçon. Enfin, les quarante minutes de la Symphonie n°2 de Jean Sibelius, une symphonie toujours très courtisée par le public des concerts symphoniques.
ADAMS
TROMBA LONTANA
MENDELSSOHN
LES HÉBRIDES ouverture en si mineur, op.26
CONCERTO POUR VIOLON N°2 en mi mineur, op.64
SIBELIUS
SYMPHONIE N°2 en ré majeur, op.43
Thomas Guggeis, encore une de ces jeunes pousses “bourrées“ de talent qui vient diriger les forces plus que vives de notre orchestre de renommée internationale. Il a été assistant d’une gloire de la direction d’orchestre, exerçant toujours, un certain Daniel Barenboim. Thomas Guggeis fut pianiste-répétiteur au Staatoper de Berlin. Durant la saison 20-21 et en suivant, dans cette salle mythique de Berlin, ou d’autres en Allemagne, le jeune homme a ou va diriger Le Vaisseau fantôme, Tannhaüser, Hansel et Grëtel, Salomé, ni plus, ni moins !! On peut rajouter Jenufà, Die tote Stadt, Lohengrin… Cela fait ainsi déjà plusieurs années qu’il dirige des opéras, et quels ouvrages ! Sur le concert donné en mars 2021, sans public à la Halle, vous serez éclairé par le compte-rendu donné par notre ami Hubert Stoeklin qui ne tarit pas d’éloges sur les qualités de ce fringant jeune homme de 27 ans. Je pense qu’il le verrait fort bien à la tête de l’ONCT. Après tout, Thomas aurait le même âge que Tugan quand celui-ci a été nommé en mai 2008.
Quelques mots sur les deux ouvrages-phares du concert.
Renaud Capucon © Simon Fowler
Concerto pour violon n°2, en mi mineur, opus 64
Allegro Molto Appassionato
Andante
Allegretto non troppo – Allegro molto vivace
Les différents mouvements sont donnés dans la continuité.
On sait que Felix Mendelssohn retravaillait ses compositions inlassablement avant de les considérer comme définitivement achevées. De même, on raconte que plus d’une épreuve était déjà imprimée lorsque le maître, exagérément pointilleux, procédait à de nouvelles corrections. Par exemple, la Symphonie italienne (première version en 1833) ne fut publiée qu’après la mort de l’auteur en 1847, et ce n’est qu’après d’importantes transformations que des œuvres telles que l’oratorio Elias (1846) ou La première nuit des Walpurgis (première version en 1832) trouvèrent leur forme définitive.
Le Concerto en mi mineur est, lui aussi, loin d’être le fruit d’une inspiration spontanée. Ce n’est que la deuxième représentation dirigée par Mendelssohn, à Leipzig, qui sera retenue. La première avait été interprétée par son ami violoniste Ferdinand David le 13 mars 1845 à la Gewandhaus de Leipzig. Pour l’anecdote, les deux musiciens étaient nés dans la même maison hambourgeoise.
Une lettre du 13 juillet 1838 adressée à Ferdinand David précise : « Pour l’hiver prochain, j’aimerais également composer pour toi un concerto pour violon ; j’ai déjà un projet pour une pièce en mi mineur mais le début me cause encore des problèmes ». Son ami le presse affectueusement : « Je te promets de m’y exercer à tel point que les anges du ciel s’en réjouiront ». Mendelssohn hésite : « Tu veux que ce soit de première qualité, or comment les gens de ma condition peuvent-ils y parvenir ? » Pendant des années, la réalisation du projet passera au second plan. Ce n’est que durant l’été 1844, que l’œuvre mûrit et s’oriente vers son plein accomplissement. Il faudra encore l’hiver suivant pour peaufiner quelques derniers détails.
Un an après la première exécutée par Ferdinand David, le petit prodige Joseph Joachim, alors âgé de seize ans et fortement encouragé par Mendelssohn, va lui aussi interpréter l’œuvre sous la direction de … Robert Schumann.
David, Joachim, Sarasate, voilà bien les plus grands du violon de cette époque. Viendra un peu plus tard Eugène Ysaye.
Ce Concerto ne sera pas la seule contribution de Felix Mendelssohn-Bartholdy à la littérature concertante pour violon. A l’âge de treize ans déjà, il composait un Concerto en ré mineur revu pour la première fois par Yehudi Menuhin en, 1952. Ce Concerto est d’écriture très dans le goût français en ce temps-là. Mais si cet opus précoce est d’une grande valeur pour suivre l’évolution de la maturité artistique de son compositeur, seul le concerto tardif est considéré comme un véritable chef-d’œuvre. Il est rare, en effet, que virtuosité épurée et poésie romantique constituent une synthèse aussi heureuse.
Thomas Guggeis et L’Orchestre national du Capitole
Symphonie en ré majeur, op. 43
« Mes symphonies sont des offrandes de la plus pure eau de source » et la Deuxième coule en mémoire de la neige et de l’angoisse encloses en chacun de nous. De l’eau pure mais froide pour se souvenir des palais sous la glace. Autant événement sonore que symphonie, indétermination permanente plutôt qu’affirmation, la Deuxième symphonie de Sibelius produit un impact immédiat sur l’auditeur.
La deuxième symphonie en ré majeur dure environ quarante-cinq minutes, si on la joue avec cette tension nécessaire, sans alanguissement particulièrement déplacé ici. Son orchestre est classique mais les effets inouïs. Elle comprend quatre mouvements, dont les deux derniers doivent être enchaînés :
1- Allegretto
2- Tempo andante, ma rubato
3- Vivacissimo
4- Finale (Allegro moderato)
Sibelius assurera lui-même la création le 8 mars 1902 à Helsinki avec un immense succès. « Mes symphonies, comme celles de Tchaïkovski, sont très humaines, mais si celles-ci représentent le côté faible de la nature humaine, les miennes, c’est plutôt le côté dur ! ». Et préfigurant le reste de la production, cette Deuxième assume cette échappée blanche vers la forêt hautaine des sons de l’orchestre, d’où émergent des cris de cuivre, des lambeaux de thèmes.
Cet amoureux du crépuscule, des recoins sombres des bois et de leurs créatures fantastiques, ce voyageur a su très précisément ce qu’il voulait évoquer dans sa musique et sa première totale réussite symphonique sera cet opus 43, la Deuxième, sans le sentiment de catastrophe de ses œuvres ultérieures.
Par la suite, de 1920 à 1957 tout ne sera que silence et sourire amer sur le monde, lui l’ermite de Jarvenpäa qui ne voulait n’y déchoir ni décevoir. Né le 8 décembre 1865 à Hämeenlinna, mort à la vie en 1957, mort à la musique en 1926. Telle pourrait être son épitaphe.
Résumer une telle symphonie, qui oscille « au bord des profondeurs ultimes de l’inconscient et de l’ineffable » pour basculer dans une certaine emphase, est malaisé. On insistera seulement sur l’extraordinaire Allegretto initial avec son allure improvisée, ses passages de bribes de thèmes d’un instrument à l’autre, ses accélérations soudaines, ses noirceurs. Aussi tout au début, sur un soubassement rythmique des cordes, apparaissent hautbois et clarinettes, puis les cors, ensuite un motif aux flûtes, un autre très sinueux aux bassons, avant la mélodie très expansive des violons, jusqu’aux jeux de couples cordes vents.
Ceci pour simplement montrer la façon de composer « en prolifération » de Sibelius. Le compositeur donne l’impression de faire une musique en quête d’un thème, une mosaïque brisée. Tout le reste sera aussi fragmentaire et fascinant.
Le mouvement lent Andante est très impressionnant par son aspect sombre sur une très longue introduction de violoncelles et contrebasses en pizzicati, à partir d’un roulement de timbales, un basson venu du royaume légendaire des morts s’élève. Un thème principal magnifique est déroulé aux cordes, au travers des orages des cuivres. Tout le registre utilisé est dans le grave.
Le Vivacissimo fera office de scherzo et permet de se souvenir que Sibelius adorait Bruckner. Mais ici tout est morcelé, inquiétant, jusqu’à un trio étrange avec un solo, plutôt un hymne d’ailleurs, du hautbois. Cc mouvement lance le thème en transition vers le Finale. Celui-ci, plus conventionnel, verra l’ombre se réduire, et la péroraison gagnera tout l’orchestre montant par degrés en cercles concentriques, vers une apothéose triomphante. Musique triomphale ? Pas vraiment, car le plus remarquable reste une mélodie désolée omniprésente et écrite en hommage à la mémoire de sa belle-sœur, Eli Jàrnefelt, qui venait de se suicider.
Orchestre national du Capitole